12 juin 2012

SEMEN 33 - Les notes manuscrites de Benveniste sur la langue de Baudelaire.



Nous connaissions l’existence de notes manuscrites de Benveniste sur Baudelaire, mais elles sont restées introuvables pendant des années. Grâce à Chloé Laplantine, elles viennent d’être publiées chez l’audacieux éditeur de Limoges Lambert-Lucas. Grâce aux travaux menés à l’ITEM autour d’Irène Fenoglio, nous avions déjà pu pénétrer dans l’atelier de Benveniste. Mais la lecture de ces 370 feuillets-Baudelaire est une expérience beaucoup plus troublante. Le grand linguiste s’y livre à une exploration de la langue des Fleurs du Mal (et plus ponctuellement des Petits poèmes en prose), une langue pour laquelle le lecteur-auditeur « doit s’ajuster », « recréer pour son compte les normes et le “sens” ». Baudelaire implique pour Benveniste une « conversion du point de vue » au même titre que les langues amérindiennes d’Alaska qu’il était allé étudier au début des années 1950. Ce qui frappe d’entrée avec ces manuscrits, c’est le décalage par rapport au structuralisme ambiant des années 1960. Loin des écrits de Roman Jakobson sur la poésie, de Georges Mounin sur René Char ou de Jean Cohen sur la langue poétique, Benveniste est, dans ces notes, d’une étonnante modernité : avec la langue poétique de Baudelaire, c’est une mise en œuvre de la « translinguistique des textes, des œuvres » qu’il engage, comme il en avait annoncé le programme dans le premier numéro de Semiotica ; c’est aussi une réflexion sur la langue émotive, menant ainsi à leur terme les propositions de sa linguistique énonciative.


SOMMAIRE

Jean-Michel ADAM & Chloé LAPLANTINE
Présentation

I. Dossier thématique

Jean-Michel ADAM
Les problèmes du discours poétique selon Benveniste. Un parcours de lecture
Gérard DESSONS
Le Baudelaire de Benveniste. Entre stylistique et poétique
Chloé LAPLANTINE
« La langue de Baudelaire », une culturologie
Jean-Claude COQUET
Quelques remarques sur le langage iconique
Jean-Marie VIPREY
Le discours poétique et son vocabulaire, entre Baudelaire et Benveniste
Irène FENOGLIO
Benveniste auteur d’une recherche inachevée sur « le discours poétique » et non d’un « Baudelaire »

II. Dossier bibliographique

Chloé LAPLANTINE
Revue des parutions récentes sur Benveniste
Vincent CAPT
Compte rendu de lecture : Relire Benveniste. Réception actuelle des Problèmes de linguistique générale, E. Brunet, R. Mahrer

III. Note de lecture critique et Comptes-rendus de lecture :
actualité Vološinov-Bakhtine

Jacques GUILHAUMOU
Sur la nouvelle édition de Marxisme et philosophie du langage, par Patrick Sériot et Inna Tylkowski-Ageeva
Sandra NOSSIK
Sur l’ouvrage de Bronckart J.-P. & Bota Ch., 2011 : Bakhtine démasqué. Histoire d’un menteur, d’une escroquerie et d'un délire collectif


http://alufc.univ-fcomte.fr/index.php?page=2&cle_ouvrage=947&cas=ouvrage

09 juin 2012

Qu'est-ce qu'une oeuvre folle?

Un texte d'Arnaud Bernadet (Université McGill) mis en ligne sur le site POLART :

« Qu’est-ce qu’une œuvre folle ? »

Une des figures qui encombre l’histoire de la littérature et de l’art est celle du créateur fou, depuis Hölderlin jusqu’à Artaud, en passant par Van Gogh ou les dessins d’aliénés. La folie est ainsi apparue comme une expression symptomatique du génie. Des neurosciences et de la psychanalyse à la sociologie et à l’esthétique, ce rapport met au jour autant de représentations du sujet, de la culture, de la société. C’est sous la notion d’« œuvre folle » et non celle de l’artiste fou que Gérard Dessons propose de repenser à neuf la question dans La Manière folle. Essai sur la manie littéraire et artistique (2010), point de départ de notre réflexion. Entre ces deux concepts historiquement appariés, manière et manie, la folie désigne moins un phénomène clinique qu’une catégorie du jugement. À travers l’art et les discours qu’il produit, elle est révélatrice d’une anthropologie de la valeur – véritable centre de ce livre.