24 février 2007

"Libellés" : nouvelle fonctionnalité du blog

chers tous,
Google ayant maintenant terminé la digestion de Blogger, le blog Polart a été automatiquement modifié. Cela a deux conséquences pratiques immédiates :

  1. tous les co-auteurs devraient déjà avoir reçu une invitation, automatique elle-aussi, pour modifier leur compte (passage de Blogger à Google donc). Dites-moi si vous rencontrez des problèmes dans cette transformation : je peux envoyer une nouvelle invitation pour reprendre à zéro. Pas de panique si vous voyez que votre nom n'apparaît plus sur la page : il revient dès que vous avez pu faire l'opération de déménagement.
  2. nous avons récupéré, sans rien demander, une nouvelle fonction qui est susceptible de nous être très utile - en particulier parce qu'elle permet de poursuivre une cohérence entre le site et le blog : c'est le système des "libellés", soit: mots clés. Associer un ou plusieurs libellés à chaque post permet ensuite la consultation transversale de l'ensemble du blog (cliquant sur n'importe lequel d'entre eux, on appelle la totalité des posts qu'il marque). J'en ajoute quelques uns aux derniers messages mis en ligne, pour exploration.

18 février 2007

Sur le rapport de l'IG concernant les études littéraires et la pétition de Maulpoix

Le 15 janvier 2007, je reçois comme beaucoup le message suivant signé Jean-Michel Maulpoix :
"Vous pouvez également contribuer à le faire connaître en le relayant auprès de vos connaissances. Puisque nous sommes en période électorale, nous voudrions que des engagements soient pris en faveur des études littéraires. Bien à vous, JMM
Etudes littéraires : une mort annoncée ?
Dans un contexte alarmant pour la littérature, de crise de la librairie indépendante, de l’édition de création, à un moment où les oeuvres d’exigence peinent à trouver leurs lecteurs, un rapport de l’Inspection Générale constate que la filière Littéraire de l’enseignement secondaire est en voie d’extinction. Même si, de manière dominante, la Littérature y a été instrumentalisée pour privilégier l’enseignement du discours, c¹est néanmoins la seule filière de notre système scolaire où se transmet encore une culture littéraire ; où la philosophie est vraiment présente ; où sont dispensés les seuls enseignements spécifiques d’art : musique, arts plastiques, cinéma, théâtre, danse et histoire des arts. Aucun ministre de l’Education nationale ne s’est jusqu’ici avisé de requalifier cette filière. Fatalité, ou volonté délibérée de la laisser disparaître ? Dans l’état présent : quasi plus de littérature et civilisation en langues étrangères. Pas de traduction, réputée impure, ou alors en échantillon, en un temps où l’on se réclame de l’Europe à tous coins de rues ! Comment affronter le renouvellement générationnel et les exigences de l’intégration, initier aux circulations métissées du monde en restant étanche aux oeuvres de l’imagination et des idées venues d’ailleurs. En fossilisant programmes et pédagogie de la littérature face aux mutations des outils modernes. En laissant se dévaluer une formation intellectuelle et artistique, indispensable dans tous les champs de l’activité sociale. Est-il encore temps de crier au scandale devant l’impéritie ? D’affirmer que l’enfant, héritier légitime du patrimoine artistique et acteur vivant de sa propre culture se nourrit autant aux œuvres de l’art et de l’esprit qu¹aux sciences réputées exactes et aux savoir-faire techniques. Que la Littérature n¹est pas une « discipline » parmi d’autres. L’art littéraire est irréductible aux autres. Il est par essence l’espace critique où la langue travaille, en pensée et en imaginaire, où fermentent les réalités et les utopies, sans lesquelles aucune société n¹est viable. Face aux fanatismes, croyances irrationnelles et dérives idéologiques qui feront le lit des horreurs de demain, la transmission du capital intellectuel et artistique de la littérature est une affaire de vie ou de mort. La Maison des Ecrivains appelle la communauté des écrivains, les critiques littéraires, avec eux tout ce que notre société compte d’artistes, d’intellectuels, d’éducateurs et d’agents de la culture, de professionnels du Livre, éditeurs, libraires et bibliothécaires, et les responsables politiques à dénoncer le danger majeur de voir disparaître la littérature de notre enseignement. Si vous êtes sensible aux termes de cet appel, vous pouvez le signer en envoyant un mail à l'adresse suivante : COURRIER@MAISON-DES-ECRIVAINS.ASSO.fr "
À certains amis qui m’ont transmis l’appel, j’ai répondu en m’amusant un peu comme ceci :
"Je ne signerai pas cet appel que je reçois pour la dixième fois... car: Que fait "l'enfant" (sic) en terminale littéraire? A qui appartient la "Littérature" (resic)? Quel rapport entre le "renouvellement générationnel" et "l'intégration"? Qu'est-ce qu'une "société viable" (reresic)? Qu'est-ce que la "communauté des écrivains" (sic ad nauseam)? etc. Passons et ne diffusons pas ces cris d'orfraies des défenseurs de "la langue" qui "travaille"... et eux que font-ils? Ils adorent la "Littérature" et son "capital": ils en vivent! Les autres?... ne s'en laissent pas compter et vont chanter ou bien danser maintenant. Serge"
Et je découvre mais cela demandait seulement de lire que ce texte vient d’une réduction de celui d’Anne-Marie Garat (écrivain, vice-présidente de la Maison des écrivains) et alors on en décrypte un peu plus les tenants en ayant lu également le rapport de l’Inspection Générale (http://media.education.gouv.fr/file/63/8/3638.pdf). Ce texte pétitionnaire est maintenant signé par bon nombre d’écrivains, d’universitaires et d’enseignants. On voudrait d’abord dissocier, comme on dit, le fond de la forme, l’analyse et les propositions sérieuses concernant l’enseignement de la littérature dans nos institutions d’enseignement et le maintien/la suppression de la filière L dans le secondaire. Mais ce serait ne pas comprendre de quoi il s’agit… c’est ce que certains amis demandent : signe la pétition même si tu n’es pas d’accord avec tel ou tel argument… Bref, rejoins ta corporation (écrivain, enseignant…) et ne réfléchis pas ! Non, le fond et la forme participent ici d’un même problème : endémique dans nos institutions d’enseignement, dans nos politiques culturelles, dans nos habitudes corporatistes, dans notre « république des Lettres »… Le problème de la coupure du langage (dit parfois ordinaire) et de la littérature, du savant et du populaire, du pédagogique et du didactique (en entendant par là la dichotomie du comment et du quoi enseigner), de la production et de la réception, de la création et de l’animation, de l’artistique et du culturel… bref, autant de dichotomies toujours reproduites et savamment reconduites pour couvrir des positions, des pouvoirs et des prébendes qui se disputent pouvoirs et prébendes mais jamais contestent la schizophrénie qui règne pour le plus grand bénéfice des tenants du signe. Ainsi soit-il, parce que les uns comme les autres commencent par jurer leurs grands dieux : « la langue », « la littérature », « la culture », « la civilisation », « la tradition », etc. avec majuscules et autres essences d’un réalisme langagier qui ne cesse de détruire au cœur tout effort de tenir à hauteur d’historicité forte l’humanisme.
Car voilà, les uns comme les autres, se renvoient la balle pour mieux botter en touche et ignorer le poème, c’est-à-dire tout ce qui vient casser leur bel édifice côté cour ou côté jardin, briser le théologico-politique de leur politique du langage. A savoir l’ignorance absolue qu’ils veulent maintenir du nécessaire travail d’historicité des lectures quand ils proposent les uns, d’« enseigner le discours » (registres et genres), de « maîtriser la langue » (grammaire et vocabulaire, orthographe et conjugaison ou « étudier la langue outil »), pour les autres, de ne plus congédier « l’histoire littéraire, et avec elle l’esthétique, et l’histoire des idées » – je cite A.-M. Garat. Mais rhétorique et esthétique dans leurs versions forcément adaptées à l’époque, aux jeux du culturel et des pouvoirs, dans les postures traditionnelles ou modernes qui font les deux faces de la médaille signiste, s’accordent pour rendre sourds, empêcher les lectures et la lecture – la pluralité d’une part et, d’autre part, le fait que l’activité se connaisse comme telle – autrement que sous le sceau d’une herméneutique qui arrête les œuvres et les lectures au sens qu’il soit « commun » ou « savant », mis au régime du plaisir ou du travail. Garat reproduit d’ailleurs cette dernière dichotomie en demandant de (re)sanctuariser « la Littérature » comme on l’a demandé pour l’école – retirant du même coup paradoxalement tout enjeu démocratique à ces « concepts » :
"C’est que la Littérature ne rapporte pas, elle n’est pas « visible » ; elle n’est pas rentable. Pas rentable non plus à l’école utilitariste, qui signe sa désaffection, quand elle devrait être le premier sanctuaire de la valeur. Un lieu consacré, n’ayons pas peur des gros mots : un lieu où ce qu’il y a de sacré dans les valeurs de la civilisation s’engendre et se partage."
Cet extrait montre l'emprise du sentimentalisme (plus bas, le « couplet du pauvre », comme disait Baudelaire, est donné comme dans les discours ministériels avec l’invocation des « plus démunis ») qui s’accorde avec le signisme dans sa pire version théologico-politique : le sanctuaire des Belles-Lettres serait le lieu de « l’élaboration de la pensée critique » alors même qu’il est le moyen depuis longtemps de sa perversion, de sa destruction même (voyez l'itinéraire du Professeur au Collège de France chargé de la théorie littéraire, Antoine Compagnon pour ne pas le nommer) puisqu’il est le lieu par excellence des académismes, des instrumentalismes de tous poils et en premier lieu de celui qui ne cesse de rappeler le super-sujet de l’impossibilité de toute pensée critique : « la langue » qui « travaille » dans cet « espace critique » que serait « l’art littéraire, irréductible aux autres »… Mais il n’y a pas de « sanctuaire » de la critique pas plus que d’art irréductible ; il y a seulement ce que font les œuvres quand il y a lecture/écriture, quand il y a un dire qui dépasse un dit, un faire qui emporte un « bien fait » voire un « mal fait » ou un « fait » tout court même littéraire, c’est-à-dire une activité qui répond d’une activité, une lecture d’une œuvre, une relation beaucoup plus qu’une transmission. Il y a à relire « la relation critique » de Starobinski qui engageait toute lecture dans une historicisation, dans un parcours même si la réécriture de ce dernier en a fait dorénavant une transmission noyée dans l’historicisme - je renvoie à "L'Amour en fragments, Poétique de la relation critique". Aussi faut-il adjoindre à cette relation critique qui engage aussi bien une pédagogie qu’un corpus, une extension de l’activité du lire qu’une extension du corpus… faut-il adjoindre à cette relation critique dans une interaction forte une pensée du langage ou, pour reprendre les termes d’Henri Meschonnic, une théorie du langage au principe d’une historicisation des humanités, des textes littéraires, de leurs lectures…
"Que faire ? Déjà au moins transformer l’enseignement des humanités pour travailler à transformer l’humanité. C’est-à-dire enseigner la théorie du langage avec ses effets sur l’éthique, sur le politique, sur la politique. Vaste programme, sans illusions. Mais c’est comme le monde : il n’y en a pas d’autre."
C’est la clausule d’une conférence prononcée par Henri Meschonnic à Toulouse le 8 mars 2004 (disponible auprès de la médiathèque de la même ville). Je la reprends à mon compte et renvoie au travail qui apparaît un peu dans la revue "Le Français aujoud'hui" (voir par exemple les numéros sur "l'attention au texte" et sur "la voix: oralité de l'écriture", dans un prochain numéro à paraître en début 2008 sur la critique)... et ailleurs.

PS: je sais que ces réflexions sont totalement insuffisantes (mon analyse du rapport de l'IG est en l'état de notes qui montrent qu'au fond pétitionnaires et IG sont sur les mêmes conceptions fondamentales même si l'IG est de gauche au sein d'un ministère de droite quand les autres souvent de gauche sont franchement conservateurs de droite). Donc insuffisant mais... je préfère cela à un message anonyme (voir le commentaire qui m'est adressé après la pétition et ma rapide prise de position dans ce blog) et j'espère que la discussion est ouverte.

11 février 2007

Enquête sur les universitaires : suite à l'Est

J'ai reçu il y a quelques jours une proposition de KK, qui me propose de poursuivre l'enquête sur la situation de l'université et des universitaires (voir message posté le 3 février dernier) dans son université, Szeged en Hongrie (département de Français, et équipe de recherche sur le XVIIIème). Il me semble que ce serait passionnant.

J'ai par ailleurs bien noté le commentaire de PMI sur la question du recrutement - merci de ton regard.

Langage et communication

Comme annoncé dans ma "chronique" lors de la dernière journée Polart, je continue mon début de chemin vers les SIC (Sciences de l'Information et de la Communication, selon l'insider Daniel Bougnoux, dans Introduction aux sciences de la communication, La Découverte, coll° Repères, 2ème édition, 2001. A Paris 8 on dit aussi Infocom - quel usage, de ce terme, dehors?).
Dans le Bougnoux, je lis, au détour d'une introduction : "Mais si la communication est coextensive à nos formes de vie, si vivre c'est communiquer [souligné par l'auteur], comme l'ont très justement posé en principe Bateson et ses disciples, il faut distinguer entre les registres et tracer des frontières sémiotiques, pragmatiques, médiatiques [...]" (p. 11).
Molière : il faut manger pour vivre, et non vivre pour manger.
Benveniste : avant de servir à communiquer, le langage sert à vivre.

C'est pourquoi je note aussi, annoncée sur la liste de la Société des Anglicistes, cette annonce, qui pose bien certains termes et dessine certains contextes :

Prochaine conference scientifique de Telecom Paris
Pourquoi l'etre
humain communique-t-il ?

par Jean-Louis Dessalles,
enseignant-chercheur
14 fevrier 2007 - 18h30 - amphi Emeraude / Telecom
Paris

Les etres humains ont un comportement unique dans la nature. Ils
donnent spontanément des informations a qui veut bien les ecouter. Pourtant,
dans le monde darwinien dans lequel notre espece est nee, les etres se
preoccupent avant tout de leur propre survie. Sachant que la reproduction est un
jeu a somme constante, pourquoi descendons-nous d'individus qui ont donne des
informations a leurs concurrents ? Les simulations informatiques permettent de
tester les hypotheses. Elles suggerent que le langage n'est pas une forme de
cooperation, mais une forme de competition "publicitaire" par laquelle les
individus affichent certaines qualites cognitives et
sociales. Cette perspective biologique nous permet
de jeter un regard
nouveau sur l'emergence non anticipee du Web ou le phénomene des blogs.

Pour vous inscrire : www.enst.fr/conf-vip/
Paris Telecom
Ecole Nationale Superieure des Telecommunications 46 r. Barrault 75013 Paris-
France Metro Corvisart

Quand la science pense le social (par le pourquoi, d'ailleurs). Et l'ingénierie, le culturel.
La société contemporaine pensée par le discours des télécommunications.
Reste, pour moi en tout cas, à mieux mesurer l'importance de ce discours parmi ceux qui déterminent le présent idéologique. Quel poids et quel réseau d'influence, par exemple, par rapport à l'économisme, ou au management.

09 février 2007

Interdisons les blogs!

Culture Loisirs Figaro Littéraire
« Les vrais écrivains d'aujourd'hui se comptent sur les doigts d'une main »
Propos recueillis par PAUL-FRANÇOIS PAOLI.
Publié le 08 février 2007

De nombreux essais s'interrogent sur l'état du roman et son avenir. Éditeurs et écrivains, Richard Millet et Jean-Marc Roberts contestent leur analyse.

LE FIGARO LITTÉRAIRE. - Après la vogue du structuralisme et du nouveau roman, l'autofiction est-elle en train d'achever la littérature française ? Certains demandent un retour à une littérature « engagée » dans la société...

Richard MILLET. - Aucun mouvement n'est responsable de l'appauvrissement de la littérature. Il y a des chefs-d'oeuvre dans la littérature nihiliste, formaliste et même nombriliste. L'autofiction n'est pas ma tasse de thé, mais la volonté de Christine Angot de tout dire d'un événement insignifiant est fascinante... D'ailleurs La Recherche du temps perdu de Proust et Voyage au bout de la nuit de Céline sont, à leur manière, de gigantesques autofictions. Ce qui fait un écrivain, c'est l'invention d'une langue, d'un rythme singulier. C'est sa puissance. Sa sensibilité politique, ni le genre littéraire à travers lequel il s'exprime ne font rien à l'affaire. À mon sens Barbey d'Aurevilly, Villiers de l'Isle-Adam sont bien supérieurs à Zola ou au Hugo engagé.

Jean-Marc ROBERTS. - Cela fait trente- quatre ans que je suis dans le métier et que l'on m'annonce que le roman français est mort. C'est l'un de ces « marronniers » dont sont friands les journalistes. Coupable, l'autofiction. Le mot ne veut pas dire grand-chose. Il est vrai qu'il est plus facile d'écrire un roman « intimiste » que d'inventer la vie des autres. Mais le talent et le génie n'ont ni genre ni sexe. La littérature existe ou n'existe pas, c'est affaire de son, de langue, au fond de musique. Chez Stock, où nous avons édité des auteurs aussi différents que Philippe Claudel, Nina Bouraoui ou Christine Angot, l'autofiction n'est pas un principe. Quant à la thèse de François Bégaudeau, qui exhorte les écrivains à s'engager, elle sent son lycéen attardé. Un lycéen qui s'exprime mal, dit tout et son contraire. Les mauvais livres sont ceux qui justement ont une intention. Un bon roman n'apporte aucune réponse, il ne fait qu'ajouter de nouvelles questions.

R. M. - Les journalistes ont une grande responsabilité dans cette confusion des genres. Où sont les « descentes » argumentées, comme l'on disait autrefois ? Que sont devenus les critiques ? Citez-moi un article qui dise que le dernier livre de Justine Lévy ou d'Anna Gavalda est nul ! Qui oserait écrire qu'un roman de Le Clézio ou de Kundera est faible ?

J.-M. R. - Exception faite du livre de Justine Lévy, Rien de grave, (Publié par Stock, NDLR) qui était à mon avis un bon roman - s'il était signé d'un auteur anglo-saxon, on le trouverait formidable - je suis d'accord sur le diagnostic : les critiques ne font plus leur travail, ils encensent trop vite ; du coup, on ne voit plus rien émerger, sauf quand apparaît un phénomène comme Houellebecq ou Jonathan Littell.

Richard Millet, l'an dernier, vous critiquiez la pléthore de mauvais romans de la rentrée littéraire. Plusieurs centaines de romans sont parus en janvier. Vous considerez que c'est excessif ?

R. M. - Ce que j'ai dénoncé, ce n'est pas le nombre de livres, mais l'absence de hiérarchie entre les livres. L'écrivain est celui qui a un monde, pas celui qui fait un « coup » pour avoir sa photo sur un livre. La fonction du roman n'est pas d'être un outil de promotion sociale. Toutefois, je concède que ce phénomène a toujours existé. Au XIXe siècle, on écrivait des vers, maintenant on signe un roman. Mais il ne faut pas se leurrer, en fin de compte les vrais écrivains se comptent sur les doigts d'une main.

J.-M. R. - Je préfère qu'il y ait à la rentrée 600 romans plutôt que 35. Cela dit, une réflexion sur la situation actuelle s'impose. Ainsi, il y a beaucoup trop d'éditeurs, trop de nouvelles maisons sans exigence. Éditeur est un métier à la mode ! Depuis le Goncourt miracle du kiosquier Jean Rouaud, des gens qui n'y connaissent rien publient des romans dans l'espoir de décrocher le gros lot. Et je ne parle pas du système des prix dans lequel les jurés priment ce que le public a déjà choisi...

R. M. - La littérature romanesque contemporaine est en état de crise, comme le fut peut-être la poésie au XVIIIe siècle. Je ne vois pas émerger actuellement d'oeuvre majeure. Mais trois grands romanciers par époque suffisent. Cela dit, ni Roberts ni moi ne publierions ce que nous publions si nous n'y croyions pas.

J.-M. R. - Chez Stock, nous éditons des jeunes gens, sans imaginer ce qu'ils deviendront. Est-ce que l'on pourra plus tard évoquer «l'oeuvre» d'un auteur, bien malin qui peut savoir. Parmi les grands, on cite toujours Modiano en exemple. Mais est-ce que ses romans vieilliront si bien que ça ?

Comment s'empêcher de comparer les écrivains actuels aux grands anciens ? Où sont passés les Aragon, les Montherlant, les Giono qui tenaient le haut du pavé, il y a un demi-siècle ? Y a-t-il déclin ?

R. M. - Dans son livre, Tzvetan Todorov dit que la littérature française est « solipsiste », nulle, désespérante. Ce sont des généralités : il ne cite aucun auteur dans le champ contemporain ! D'ailleurs, on se focalise trop sur la littérature française, comme si les choses allaient mieux ailleurs. On survalorise la littérature anglo-saxonne : qui sont leurs grands écrivains ? Qu'on nous les cite. Qui dira que Philip Roth écrit mal ? Il y a une norme internationale du roman dont le pilier est Umberto Eco : or Eco est un grand esprit, pas un grand romancier.

J.-M. R. - Je tiens Michel Houellebecq pour un écrivain important. L'oeuvre d'Annie Ernaux est celle à laquelle je suis le plus attaché. François Taillandier fait un travail considérable, mais aussi Agota Kristof ou Vassilis Alexakis.

R. M. - Il y a aussi Pascal Quignard, Pierre Bergougnioux, Pierre Michon, Régis Jauffret, Marie N'Diaye, d'autres...

J.-M. R. - Je suis optimiste pour le roman, mais pessimiste sur notre époque qui est antilittéraire. Le pire, ce sont les blogs : non seulement les gens ne lisent plus mais ils ne vivent plus. Interdisons les blogs !

R. M. - Nous vivons dans un monde où l'on n'enseigne plus la littérature et son histoire ; où les valeurs qui dominent sont marchandes, consuméristes, radicalement anticulturelles. Je sais ce dont je parle, j'ai moi même été enseignant. Savez-vous que dans les banlieues, le mot « intello » est devenu une insulte. La littérature est menacée par le divertissement, par la disparition de l'ennui. La littérature, au sens ambiteux du terme, intéresse trois mille personnes en France... D'une certaine manière, la solitude de l'artiste est un invariant ; il y a toujours eu quelque chose d'héroïque dans le fait de s'obstiner à écrire. Rappelons-nous la prédiction d'Henry James qui le premier affirmera que la massification de la culture signerait l'arrêt de mort du grand écrivain.

J.-M. R. - Je suis d'accord. Les « gros lecteurs », ceux qu'on qualifiait autrefois de boulimiques, sont en voie de disparition, surtout chez les moins de 40 ans. Pourtant je ne crois pas qu'il faille céder au « déprimisme ». Des livres existent.

07 février 2007

Henri Meschonnic à Caen



Dans le cadre de la semaine de la poésie à l'IUFM de Basse-Normandie et des manifestations organisées par l'IMEC, Serge Martin vous invite à rencontrer Henri Meschonnic. Cette première rencontre prélude au lancement d'un groupe de recherche IUFM/IMEC qu'il met en place pour l'année prochaine: "Archives, vie et théorie du langage: littérature, histoire et enseignement".

Parution : P. Lunel sur l'université

Pour ceux qui n'auraient pas vu passer l'information :
Pierre Lunel, président sortant de l'Université Paris 8, vient de publier un livre de témoignage et analyse sur l'université : Fac : le grand merdier? Confidences d'un President d'Université pour en sortir (Anne Carrière, 2006).
4ème de couverture :

Grèves à répétition, mouvement anti-CPE, port du voile, baisse du niveau général, désorientation... L'université française est confrontée à des crises d'une ampleur sans précédent. Comment peut-elle continuer à offrir un enseignement de qualité lorsqu'elle est envahie par les étudiants de plus en plus nombreux, avec en poche un bac au rabais, qui se sont inscrits en fac sans véritable projet de vie?
Président de Paris VIII Vincennes-Saint-Denis, Pierre Lunel nous plonge dans les coulisses de l'université, jadis haut lieu du savoir, devenue aujourd'hui zone de transit imperméable à toute tentative de réforme. Il nous révèle la personnalité complexe de cette vieille dame fragile, loue ses qualités, épingle ses défauts, et décrit avec clairvoyance ses travers et ses petites magouilles. Il nous raconte aussi les joies, les peines et les colères des étudiants, les paresses et les idéaux des enseignants, les manquements et la générosité des personnels administratifs. Un portrait de famille sans concession dans un style coloré et plein d'humour.
Ceux qui sont parisiens en ce moment pourront peut-être nous régaler de commentaires de plus ample lecture. Pour ma part j'ai l'oreille attirée en particulier par l'opération de personnalisation, domesticisation ; moralisation. Les coulisses : on est content d'être invité à y faire un tour, après un mandat qui a sinon créé du moins cultivé à Paris 8 l'espace réservé de la coulisse et des corridors, et cultivé la politique des couloirs aux dépens des instances publiques et représentatives. Qualités et défauts, joies peines paresses et générosité : comment dépolitiser la question. L'humour et le paternalisme : comment dépolitiser la question.

Universités et gratuité

L'article du Monde, le 07.02.2007

Villepin veut moduler les frais d'inscription à l'université

Reuters 07.02.07 | 13h50

Dominique de Villepin s'est prononcé pour une augmentation des frais d'inscription à l'université, suggérant une modulation des droits d'entrée en fonction des ressources de l'étudiant.

"Nous devons être lucides sur la réalité des choses. L'Université française n'a pas les moyens de ses ambitions", a souligné le Premier ministre lors de l'inauguration de l'université Paris-Diderot (Paris VII).

"Aujourd'hui, nous dépensons moins de 7.000 euros par an et par étudiant. Ce chiffre est très inférieur à la moyenne des pays développés. Il est trente fois inférieur à ce dont bénéficie par exemple un élève de Princeton", a-t-il déploré à l'heure où le débat sur l'Education nationale s'impose dans la campagne présidentielle, droite et gauche se disputant le vote des enseignants.

Soulignant que les marges de manoeuvre de l'Etat étaient "limitées" au regard de son effort de désendettement, Dominique de Villepin a insisté sur la nécessité de trouver "d'autres sources de financement" pour l'enseignement supérieur.

"Cela soulève naturellement la question des droits d'inscription : faut-il ou non les augmenter ? Ma conviction, c'est que nous devrons très vraisemblablement permettre aux universités de le faire dans les prochaines années", a estimé le chef du gouvernement.

"Mais nous devrons veiller à ce qu'une solution financière existe pour chacun. (...) Nous pourrions par exemple moduler les droits d'inscription en fonction des ressources de l'étudiant et de ses parents. Un système qui fait payer 2.000 euros par an aux étudiants aisés et rien à ceux qui ont le moins de ressources, n'est-ce pas plus juste qu'un système qui fait payer 300 euros à tout le monde?", a-t-il lancé.

DIX NOUVEAUX CAMPUS EN CINQ ANS

Le Premier ministre juge indispensable en outre un développement massif des bourses et des prêts étudiants, réitérant l'idée d'un prêt à taux zéro.

Déplorant que les locaux universitaires ne soient "pas à la hauteur de notre pays", il a souhaité la construction en cinq ans de "dix campus aux meilleurs standards internationaux".

"Notre objectif doit être d'avoir des campus au niveau des meilleurs campus britanniques, allemands ou américains", a souligné le Premier ministre, qui a effectué une partie de ses études à l'étranger.

Il considère que les universités françaises doivent se rapprocher "pour devenir plus fortes dans la compétition internationale".

"Il y a aujourd'hui 88 universités de plein exercice en France. Une fois le mouvement de rapprochement engagé, nous devrions avoir une quinzaine de grands pôles de recherche et

une quarantaine d'universités de plein exercice sur l'ensemble du territoire", a-t-il précisé.

Dominique de Villepin, qui confirme implicitement mercredi dans une interview au Financial Times qu'il ne sera pas candidat à la présidentielle, a appelé de ses voeux "un consensus large entre les partis" sur l'avenir de l'Université française.

"Qu'il y ait débat sur les moyens à mettre en oeuvre, sur les choix à faire dans tel ou tel domaine, c'est bien naturel. Mais cela ne doit pas faire passer à l'arrière-plan l'objectif qui doit être partagé par tous : faire de notre système d'enseignement supérieur le premier en Europe et l'un des meilleurs au monde", a affirmé le Premier ministre.

04 février 2007

séminaire critique

Tout d'abord, mes excuses à Claire : j'y suis et j'aurais dû persévérer avant de râler...
Les livres dont j'ai essayé de parler lors du séminaire du 12 janvier:
auparavant, je voudrais, pour rire un peu, signaler une bibliographie d'une revue en ligne ("Questions de style") qui signale deux nouveaux auteurs que je ne connaissais pas: Georges Dessons et Georges Meschonnic. Primo, je constate qu'aucune erreur n'est commise sur les autres auteurs. Secundo, je ne supporte plus - mais voyez l'état de l'Université dans cet énervement - que quatre entrées aillent à Michèle Aquien et 3 à Meschonnic (Georges, je le rappelle!!!) pour d'abord un article publié dans "Langue française" en 1974!!! Passons et restons calme contre le "style".
1. J'ai évoqué rapidement le numéro du "Français aujourd'hui" en préparation (coordination: Jérôme Roger et moi-même) sur la critique (littéraire, de la littérature...) et l'enseignement : à la fois bilan et perspectives, comme on dit... "La critique pour quoi faire?" en essayant avec des points de vue certainement contradictoires de faire apparaître le paradoxe d'une Université (dont les IUFM) qui dispense - de façon d'ailleurs variable - un enseignment de la "critique" mais toujours au titre d'une spécialisation qui en fait curieusement un domaine à part... On en reparlera donc.
2. Un "que sais-je?" dont le titre est bien évidemment évocateur: "L'enseignement littéraire" écrit par Paul Aron et Alain Viala (PUF, 2005) - ce dernier étant un des principaux responsables des Programmes actuels de l'enseignement secondaire. Je signalerai pour donner l'eau à la bouche l'hésitation (prolongée comme chez Valéry) suivante: ens. littéraire et ens. du littéraire... sans compter "enseigner la littérature" qui semble englober les deux. Bon! pour aller vite, je relève que les trois derniers points développés sont "Lettres et... langue, esthétique, histoire", ce qui veut tout dire.
2 bis. Il faut rappeler le Michel Jarrety, "La Poétique", dans la même collection ("Que sais-je?", PUF, 2003) dont je retiens la leçon historique: nous serions passés des "arts poétiques" à "l'esthétique" d'un côté et à "la critique" (entendez la "critique" des genres ou, si vous préférez, la "poétique" des éd. du Seuil: revue et collection) d'un autre...
3. Rapidement signalé l'ouvrage de William Marx, "L'Adieu à la littérature" (Minuit, 2005). Ma critique vise ce que j'appellerais le réalisme théorique qui ne fait pas, quoiqu'en suppose Marx, la théorie de la situation, celle de l'enseignement de la littérature aujourd'hui, en particulier à l'Université puisqu'au fond, telle est l'ambition de ce livre qui reste, malgré les apparences, dans l'historicisme fondamental des études littéraires françaises (ne serait-ce qu'en prenant "trois siècles"). Il suffit pour le moment de se contenter de sa définition de la littérature dont "personne ne sait ce que c'est, sinon qu'elle est un usage particulier du langage" : rien n'a changé depuis Sartre...
3 bis. Je n'ai pas parlé au séminaire du dernier Todorov que je viens de lire - c'est court! et je le mettrais dans la lignée du Marx: "La littérature en péril" (Flammarion, 2007) part des meilleures intentions mais tombe dans les pires travers : éclectisme théorique, si on peut appeler cela "théorique"... et surtout, en empruntant à Bénichou le titre de son dernier chapitre ("Une communication inépuisable" et non une relation, c'est l'enjeu de ce que j'essaie de construire avec "Langage et relation" et "L'Amour en fragments, Critique de la relation critique") : les oeuvres, leur activité versées dans l'histoire des idées, au mieux une herméneutique associée à une esthétique. Mais "l'objet de la littérature" qui serait "la condition humaine" (c'est beau, c'est bien, c'est bon...) c'est justement du culturel et pas du poème: car c'est de sujet que "la condition humaine" a besoin et non d'objet sous peine de faire de ces "paroles qui aident à mieux vivre" (clausule de l'ouvrage) des préceptes moraux et/ou des procédés esthétiques à "transmettre" à contre-historicité, à contre-sujet du poème et même sujet du langage mais pas des énonciations qui transforment l'écoute, passent de bouche en bouche...
4. Alors il faut "changer de société" mais comme dit Bruno Latour (La Découverte, 2006), pour "Changer de société", il faut "Refaire de la sociologie" (j'aurais préférer "refaire la sociologie"! Très intéressant cet ouvrage comme tous ceux de Latour ne serait-ce que pour sa critique de Bourdieu et de ses émules... et on jubile quand il rejette le "jargon" des sociologues pour préférer "la liberté de mouvement" de "la théorie littéraire" (p. 80) sauf que cette dernière se résume à... la sémiotique dont "l'infralangage" protègerait "contre les tentations du métalangage de la sociologie"... Ceci dit, il faut y revenir et voir de près ce que fait justement l'absence d'une théorie du langage (versus la naturalisation du signisme).
4 bis. Le livre de Axel Honneth ("La société du mépris", La Découverte, 2006, ne peut qu'attirer l'attention avec son sous-titre ("vers une nouvelle Théorie critique") non seulement parce qu'il propose une critique de la théorie d'Habermas mais il n'arrive pas à déplacer sérieusement "la théorie du langage" de ce dernier (p. 188) et il en appelle même à "développer le modèle de la communication élaboré par Habermas dans le sens de ses présuppositions intersubjectivistes, voire sociologiques" (p. 191). On sait ce que cela donne... mais le chantier relationnel ("reconnaissance") que Honneth a ouvert n'est pas à laisser aux sociologues; la poétique doit montrer que "la théorie de la reconnaissance" sans "théorie du langage" ne peut "combler la lacune théorique que Habermas avait laissée dans son développement du programme habermassien" (p. 193).
5. Alors je vais jeter un oeil dans "Recherches en esthétique" (N) 12, octobre 2006) et ne suis pas étonné de trouver sur sa thématique de "La rencontre" qu'avec Marc Jimenez on ne peut espérer avec lui autre chose qu'une "esthétique de la rencontre" alors même que son interlocuteur, Dominique Berthet, collègue de l'IUFM des Antilles, qui a concocté ce numéro rappelait que "André Breton nous a proposé une poétique de la rencontre"...
Je finis sur ces "notes" de Antoine Emaz : "L'époque est molle; elle n'est pas inintéressante, loin de là, mais elle est vaseuse" (p. 34 dans la revue "Rehauts" n° 18 ("Brèches"), octobre 2006...
Serge Martin

03 février 2007

Enquête sur l'université et les universitaires

Depuis mon lieu d'exercice et d'observation au "English Department" de Brooklyn College (City University of New York) cette année, j'ai proposé à un groupe de collègues de participer à une enquête sur la situation du travail universitaire. Le point de vue est d'abord celui de leur université et de leur discipline. Il ne se dissocie naturellement pas d'un contexte plus large, mais vient au contraire pointer certaines de ses dynamiques majeures : l'état des sciences humaines et de la disciplinarité universitaire même, l'état de l'enseignement supérieur américain dans sa grande diversité, et, singulièrement, un état présent des domaines du savoir dans le monde mondialisant ; dans le monde tel qu'il est déterminé par l'expansion actuelle d'un marché mondialisé des connaissances.
Ces deux points de vue m'intéressent en particulier : la coexistence conflictuelle, dans mon champ problématique en tout cas, du comparatisme (que je comprends comme le modèle d'une internationale critique du travail intellectuel), et de la mondialisation (avec marchandisation donc : réification, décriticisation, dépolitisation). Leur lutte politique, où les universitaires ont des vies critiques à vivre.

Cette enquête a donné lieu à un séminaire, tenu le 25 janvier 2007, à partir d'un questionnaire dont on peut lire le détail sur le blog Letter from America.

J'aimerais en faire connaître les résultats au-delà du groupe de travail où elle a commencé, et en proposer la publication sur le site de Polart. Je soumets cette proposition au Comité scientifique de Polart dans les jours qui viennent.
Je prévois également d'autres prolongements possibles : enquête au sein d'un groupe de travail d'universitaires anglicistes à Paris, qui a déjà exprimé son intérêt pour l'idée, puis éventuellement enquête lancée auprès du réseau Polart, avec discussion en séminaire.

02 février 2007

Parution : sur Benjamin, Lyotard, Rancière, et les appareils

Vient de paraître, à L'Harmattan :

QU’EST-CE QU’UN APPAREIL ?
Benjamin, Lyotard, Rancière

de Jean-Louis Déotte

Benjamin fut le premier à utiliser le terme d'"appareil" technique en rapport avec les arts. Lyotard a introduit la notion de surface d'inscription et de bloc d'écriture. Rancière, avec ses "régimes" de l'art, a permis de nouer politique et esthétique. Restait à distinguer les appareils culturels, conditions des arts, de ces derniers, pour leur accorder un mode d'existence spécifique, ce que se propose le présent ouvrage.

ISBN : 978-2-296-02513-7 • février 2007 • 124 pages
Prix éditeur : 12 €

Etudes littéraires : une mort annoncée ?

Je mets également en ligne cette annonce, reçue par l'intermédiaire d'ELB.

Etudes littéraires : une mort annoncée ?

Dans un contexte alarmant pour la littérature, de crise de la librairie indépendante, de l’édition de création, à un moment où les œuvres d’exigence peinent à trouver leurs lecteurs, un rapport de l’Inspection Générale constate que la filière Littéraire de l’enseignement secondaire est en voie d’extinction.
Même si, de manière dominante, la Littérature y a été instrumentalisée pour privilégier l’enseignement du discours, c’est néanmoins la seule filière de notre système scolaire où se transmet encore une culture littéraire ; où la philosophie est vraiment présente ; où sont dispensés les seuls enseignements spécifiques d’art : musique, arts plastiques, cinéma, théâtre, danse et histoire des arts… Aucun ministre de l’Education nationale ne s’est jusqu’ici avisé de requalifier cette filière. Fatalité, ou volonté délibérée de la laisser disparaître ?
Dans l’état présent : quasi plus de littérature et civilisation en langues étrangères. Pas de traduction, réputée impure, ou alors en échantillon, en un temps où l’on se réclame de l’Europe à tous coins de rues ! Comment affronter le renouvellement générationnel et les exigences de l’intégration, initier aux circulations métissées du monde en restant étanche aux oeuvres de l’imagination et des idées venues d’ailleurs. En fossilisant programmes et pédagogie de la littérature face aux mutations des outils modernes. En laissant se dévaluer une formation intellectuelle et artistique, indispensable dans tous les champs de l’activité sociale.
Est-il encore temps de crier au scandale devant l’impéritie ? D’affirmer que l’enfant, héritier légitime du patrimoine artistique et acteur vivant de sa propre culture se nourrit autant aux œuvres de l’art et de l’esprit qu’aux sciences réputées exactes et aux savoir-faire techniques. Que la Littérature n’est pas une « discipline » parmi d’autres.
L’art littéraire est irréductible aux autres. Il est par essence l’espace critique où la langue travaille, en pensée et en imaginaire, où fermentent les réalités et les utopies, sans lesquelles aucune société n’est viable. Face aux fanatismes, croyances irrationnelles et dérives idéologiques qui feront le lit des horreurs de demain, la transmission du capital intellectuel et artistique de la littérature est une affaire de vie ou de mort.

La Maison des Ecrivains appelle la communauté des écrivains, les critiques littéraires, avec eux tout ce que notre société compte d’artistes, d’intellectuels, d’éducateurs et d’agents de la culture, de professionnels du Livre, éditeurs, libraires et bibliothécaires, et les responsables politiques à dénoncer le danger majeur de voir disparaître la littérature de notre enseignement.

Premiers signataires :
Anne-Marie Garat, écrivain
Sylvie Gouttebaron, écrivain, Directrice de la Maison des écrivains
Jean-Michel Maulpoix, écrivain, Professeur d'Université, Président de la Maison des écrivains
Jean-Yves Masson, écrivain, Professeur à la Sorbonne

Parution : sur la mondialisation

(je copie une annonce passée sur la liste de diffusion de la Société des Anglicistes de l'Enseignement Supérieur)

Dictionnaire des mondialisations
Sous la direction de Cynthia Ghorra-Gobin
Paris, Armand colin, 2006, 400 pages,
ISBN : 2200-26479-8

Le principe fondateur de ce dictionnaire, comme l'indique clairement l'introduction, réside dans la reconnaissance de la multidimensionalité et l'historicité de la mondialisation tout en insistant sur la diversité des représentations de ce phénomène. Ce qui explique le pluriel du titre ainsi que la diversité scientifique des membres du comité scientifique (Martine Azuelos, Yves Boyer, Jean-Michel Dauriac, Catherine Distler et Christian Grataloup) et des chercheurs (40) qui ont rédigé les entrées. En mettant en évidence l'émergence d'un espace supranational et de processus transnationaux (entreprises, communautés, flux), elle remet en cause la représentation traditionnelle d'un ordre mondial fondé sur le principe de la fragmentation étatique et exige de faire preuve d'invention politique. Les entrées (150) et les essais (38) allant d'Agriculture à Virtuel incluent l'américanisation, l'altermondialisation, le capitalisme, le changement climatique, les Etats-Unis, la France, l'Europe, les migrations, le multiculturalisme, la ville, les technologies d'information et de communication, le territoire, l'universel) sont référencées et sont accompagnées d'une bibliographie pour tout lecteur qui souhaiterait
approfondir le sujet. Le dictionnaire se présente comme un guide utile pour comprendre les enjeux de ce contexte inédit que représente le début de XXIe siècle, tout en s'inscrivant dans une perspective historique. Il peut être une référence utile pour plus d'un angliciste et d'un américaniste.