30 octobre 2007

publication récente - regards monographiques sur Verlaine

Lectures de Verlaine, Poèmes saturniens, Fêtes galantes, Romances sans paroles, sous la direction de Steve Murphy, Presses universitaires de Rennes, octobre 2007, 314 p.
Contributions de S. Murphy, P. Brunel, H. Scepi, B. de Cornulier, D. Combe, S. Dupas, J.-P. Bobillot, A. Bernadet, N. Wanlin, M. Pakenham, G. Kliebenstein, J.-L. Steinmetz, Y. Frémy, P. Lécroart, G. Dessons, C. Hervé, S. Whidden, J. Dürrenmatt.

Narratologies contemporaines

Pour un aperçu d'une question qui intéresse la recherche en littérature actuellement en France, je joins le programme du Séminaire du CRAL (CNRS/EHESS) :

Narratologies contemporaines - programme 2007-2008 : I. Récit factuel, récit fictionnel

Responsables : Annick Louis (Maître de conférences, Université de Reims), John Pier (Professeur, Université de Tours), Philippe Roussin (Directeur de recherche, CNRS) et Jean-Marie Schaeffer (Directeur de recherche CNRS, Directeur d’études EHESS)

Le séminaire Narratologies contemporaines a pour objectif de contribuer au renouveau international en cours des travaux dans le domaine des théories du récit. Il se déroulera pendant trois années consécutives. Au cours de l’année 2007-2008, le séminaire portera sur le réexamen de la question du récit factuel et du récit fictif. Il traitera, notamment, des problèmes théoriques et méthodologiques suivants : les effets du privilège accordé par la narratologie classique au récit de fiction ; l’existence ou non de propriétés textuelles, syntaxiques ou sémantiques permettant d’identifier un texte comme un récit de fiction (J. Searle) ; la détermination et la présence d’indices de fictionnalité (K. Hamburger) ; la nature différentielle de la relation entre l’acte de rapporter et l’acte d’inventer dans le récit factuel et dans le récit fictif ; la réflexion des legal studies sur le factual narrative, les propriétés narratives et les domaines nouveaux du récit factuel.
Les deux années suivantes seront respectivement consacrées, pour 2008-2009, aux rapports entre récit de fiction et cognition, pour 2009-2010, aux usages sociaux des récits.

Premières séances - EHESS, salle 07, 17h-19h, 105 Bd Raspail, 75 006 Paris :
Mardi 6 novembre 2007 : Philippe Roussin (CRAL, CNRS/EHESS) : « État de la question »
Mardi 20 novembre 2007 : Jean-Marie Schaeffer (CRAL, CNRS/EHESS) : « À quoi sert la fiction ? »
Mardi 4 décembre 2007 : Christian Salmon (CRAL, CNRS/EHESS) : « Storytelling : la machine à fabriquer des histoires»
Mardi 18 décembre 2007 : John Pier (Université de Tours, membre associé au CRAL) : « La narrativité dans le récit fictionnel et dans le récit factuel »

Paris 8 sur l'université

Le compte rendu des travaux des Etats généraux de Paris 8 est maintenant consultable en ligne. Cette entreprise, qui a commencé à mobiliser l'université l'année dernière (et à un degré et selon une géographie des disciplines et des instances qui sont justement soumis à appréciation), a un intérêt contextuel tout à fait important, dans les conditions de la politique actuelle de sape des institutions du savoir. Paris 8 n'est pas un élément comme un autre dans le paysage universitaire français, on le sait. Elle fait ici, comme toujours, effet de révélateur.

Les travaux des Etats généraux se poursuivent cette année. Premier rendez-vous le lundi 5 novembre (14h00-17h00 Amphi D).

29 octobre 2007

Chantier Débat et démocratie : argumentaire en ligne

Le chantier Polart "Débat et démocratie. A partir des nouveaux réactionnaires" reprend à cette rentrée 2007. Un bref historique de ce projet d'ouvrage collectif, et l'argumentaire, sont en ligne dans la rubrique Chantiers du site - ou, pour un accès immédiat au document pdf : ce lien. Une bibliographie développée est en préparation, et sera mise en ligne dès que disponible. Le chantier reste bien entendu ouvert à tous les membres de Polart désirant s'y adjoindre.

Le séminaire Actualité critique ouvre ses séances à ce chantier pour les prochaines séances programmées. La première date retenue est le dimanche 16 décembre (elle est encore à débattre et confirmer) : table ronde autour de la lecture d'un des textes récents à prendre appui sur la notion mise en débat par Daniel Lindenberg en 2002 (dans Le Rappel à l'ordre. Enquête sur les nouveaux réactionnaires, Seuil) : Les Contre-réactionnaires. Le Progressisme entre illusion et imposture, publié par Pierre-André Taguieff chez Denoël, en février 2007.

Les dates suivantes proposées : samedi 9 février 2008, et samedi 7 juin 2008. Contact : CJ.

26 octobre 2007

publication : SEMEN n° 24 - Linguistique et poésie

A signaler : la sortie du numéro 24 de la revue de sémio-linguistique des textes et discours, SEMEN, coll. Annales Universitaires, Presses Universitaires de Franche-Comté, 2007.
Numéro coordonné par Joëlle Gardes Tamine & Michèle Monte : Linguistique et poésie : le poème et ses réseaux.
Contributions de M. Monte, J. Gardes Tamine, H. Laroche, L. Victor, J.-M. Gouvard, J.-M. Adam, U. Heidmann, M. Dominicy.

25 octobre 2007

Publication :
Pierre Brunel, Le premier Verlaine. Des Poèmes saturniens aux Romances sans paroles, Paris, Editions Klincksieck, Collection "Jalons Critiques" n°9, Paris, 2007, 400 p.

Autre publication à signaler :

Bruno Curatolo & Jacques Poirier (dir.), Le Style des philosophes, Besançon, Editions universitaires de Dijon & Presses universitaires de Franche-Comté, "Cahiers de la MSH Nicolas Ledoux", série "Transmission, Identité, métissage", 2007, 388 p. L'ouvrage comporte 36 contributions.

Présentation :
Mettre en vis-à-vis "une pensée de l'écriture et une écriture de la pensée", telle est l'ambition de cet ouvrage. On lira d'abord une réflexion sur l'esthétique et l'imaginaire dans le champ de la philosophie, lorsque l'écriture des philosophes répond aussi bien aux canons d'une époque donnée qu'aux sollicitations les plus intemporelles de la "fabrique des songes". On verra ainsi que, du Moyen Age à nos jours, s'imposent tour à tour le souci de l'érudition, celui de la clarté, de la "belle langue" ou encore de la technicité, à côté d'un goût récurrent pour les fables et les contes. Vient ensuite une approche du style des philosophes dans son rapport à la construction même d'un système argumentatif autant qu'à divers modes d'expression : langage et littérarité donc, afin de sonder les voies de la création chez ceux de ces auteurs qui se sont situés, surtout à l'époque contemporaine, au carrefour de le pensée et de l'art : depuis Adorno jusqu'à Clément Rosset en passant par les acteurs essentiels du "décloisonnement" entre les disciplines : Foucault, Barthes, Lyotard, Deleuze ou Derrida. Les analyses ici proposées ouvrent des perspectives tout à fait neuves quant au dialogue entre philosophie et littérature dans l'espace de plus en plus étendu des "sciences humaines", à mesure que s'universalise le savoir.

A signaler comme parutions de livres :
Nathalie Heinich, Pourquoi Bourdieu, Paris, Gallimard, coll. Le Débat, 2007.
Arnaud Bernadet, L'Exil et l'utopie. Politiques de Verlaine, Publications de l'Université de Saint-Etienne, coll. Le XIXe siècle en représentation(s), 2007.
Arnaud Bernadet (dir.), Verlaine, première manière, Paris, Presses universitaires de France, coll. CNED, 2007.

21 octobre 2007

Parutions : la littérature dans le capitalisme tardif

Outre les traductions d'oeuvres théoriques anglaises et américaines majeures qui commencent à arriver en rangs serrés, mais aussi avec un retard d'appropriation frappant (Fredric Jameson, Homi Bhabha, Stanley Fish...), trois titres récents à noter :

  • Storytelling. La machine à fabriquer des histoires et à formater les esprits, de Christian Salmon (auteur d'un article du Monde diplomatique dont j'avais parlé au premier séminaire Actualité critique). Paris, La Découverte, octobre 2007, 235p. Une enquête en effet "ébouriffante" (je cite), sur les noces néocapitalistes troubles du management des subjectivités avec la littérature, et ses Humanités. A rappocher des analyses de Jameson dans le tout récemment traduit, donc, Postmodernisme ou la logique culturelle du capitalisme tardif (trad. Florence Nevoltry, Paris, ENSBA, sept. 2007). A rapprocher aussi, si on en a le coeur, à l'usage disciplinaire de la référence à la littérature dans la "Lettre aux éducateurs", adressée par N. Sarkozy aux enseignants à la rentrée 2007 (téléchargeable).
  • Le Capitalisme cognitif. La nouvelle grande transformation, de Yann Moulier-Boutang (Editions Amsterdam, mai 2007). Pour suivre ce fil que Jameson nous mettait déjà dans les mains en 1984 (c'est la "logique culturelle" qu'il analyse dans le capitalisme post-industriel), et qui gagne ces temps-ci une visibilité, et une prégnance pour l'intelligence du présent et ses repères idéologiques, très élargies : par exemple avec le Rapport Lévy-Jouyet (Rapport de la Commission sur l'économie de l'immatériel, intitulé "L'économie de l'immatériel. La croissance de demain" - 2006) pour le côté droitier, mais aussi le traitement de la question de "l'immatériel" et son rapport au travail depuis des zones marxistes de la pensée, avec Multitude. Guerre et démocratie à l'âge de l'empire, Michael Hardt et Toni Negri, La découverte, 2004.
  • Lire, interpréter, actualiser. Pour quoi les études littéraires?, d'Yves Citton, à paraître le 26 octobre aux Editions Amsterdam. On imagine qu'il fera un pendant assez révélateur à la leçon inaugurale d'Antoine Compagnon au Collège de France : La Littérature, pour quoi faire? (Collège de France / Fayard, mai 2007. Dénomination de la chaire : "de Littérature française moderne et contemporaine : histoire, critique, théorie"). De quoi instruire la question par laquelle l'université et les disciplines sont tenues par les techniques bien rôdées de la mobilisation, la réforme, et l'urgence, à cette rentrée scientifique : la valeur sociale des études littéraires, et des sciences humaines plus largement (on ira même bientôt jusqu'à : les sciences, tout court, il semble).

19 octobre 2007

Situation des intellectuels en 1977

Pour ceux qui comme moi cherchaient depuis longtemps le texte de Deleuze, "A propos des nouveaux philosophes et d'un problème plus général", et en particulier parce qu'il était rentré dans nos champs de discussion autour des Nouveaux réactionnaires, voici un lien, vers sa réédition électronique dans la site de la revue Multitudes. Le texte est daté de 1977, et avait été publié dans un Supplément de la revue Minuit, mai 1977, (n° 24). "Et distribué gratuitement", rappellent les rééditeurs.

Tourbillons de sable























Paris le 10 novembre 1947

Bien chers amis,

Souffrez que je réponde ensemble à ceux que mon amitié ne dissocie pas et qu'à S.H.C. de qui la jolie lettre m'a beaucoup touché, aussi bien qu'à H.C. messager d'importantes nouvelles, j'offre d'abord des excuses pour ce long retard. J'ai dû en rentrant partir pour quelques jours qui n'ont pas réussi à être du repos, et faire aussitôt face à tant et tant d'obligations (une semaine du matin au soir à un comité de l'UNESCO, six mois de correspondance en souffrance, et le BSL, et il y a beaucoup d'etc.), et il devait toujours se tenir cette réunion à la Direction culturelle... J'ai vainement cherché ces quelques heures qui fussent ce que tant d'heures étaient si facilement à Téhéran, silence, disponibilité allègre. Mais j'ai poursuivi les jours qui ont poursuivi les jours qui m'ont poursuivi.

Je vous l'ai dit, je comptais d'abord reprendre le chemin de l'Iran. Mais il faut savoir l'entreprise hasardeuse que représente cette traversée par les moyens locaux. Je n'avais plus aucune certitude d'arriver à une date donnée ; ce pouvait être encore un avion manqué et j'étais à bout de ressources. Quand j'ai reçu votre lettre et calculé les dates, j'ai vu de plus que nous n'airions pas pu nous rencontrer ; vous étiez sur la route de Mashad quand j'aurais suivi le trajet inverse. Comme je regrette néanmoins de n'avoir pas fait avec vous le pèlerinage de Mashad. Cette libation de l'âme, à l'aube, sur la tombe de Khayyam. Aviez-vous une jarre odorante, pour mêler le parfum à la prière ? Nous étions un peu sous la même inspiration, dans la sobria ebrietas de nos propos nocturnes à Téhéran, où, oui, nous avons parfois cru toucher à l'absolu.

De l'Afghanistan aussi j'ai gardé un grand souvenir, dans la mesure où j'ai pu momentanément faire taire celui de l'Iran. C'est surtout le souvenir de ces longues chevauchées le long de l'Oxus, dans ces gorges grandioses. J'ai rarement eu l'esprit aussi alerte que dans cette extrême fatigue physique, dans le bonheur de cette ascèse où concourraient un soleil de feu, la faim, les solitudes infinies, le sommeil à même le sol, et cette inextinguible curiosité de tout voir. C'était, je m'en suis rendu compte ensuite, une gageure que de tenter un pareil voyage avec aussi peu de ressources. Mais le résultat m'a amplement payé et une certaine imprévoyance ne déplaît pas au destin. [...]

(extrait d'une lettre adressée à Henry Corbin et à S. H. C (son épouse ?))
Sur la photographie, Emile Benveniste (dans l'arbre) est aux côtés d'Henry Corbin

18 octobre 2007

Polart dans Le Monde des livres

Chers amis, je me permets de vous signaler un article de Nicolas Weill, dans Le Monde des livres qui vient de paraître ce jour, sur mon livre Les Rythmes du politique. Démocratie et capitalisme mondialisé. Le titre en est un peu bizarre, n'étant pour ma part ni favorable à la cadence ni à la pensée postmoderne, mais le contenu assez fidèle à l'original. Il y est en tout cas fait mention du rôle central de la poétique, ce qui est rare et mérite d'être noté.

Bien cordialement à vous,
Pascal Michon
Pascal Michon : cadences postmodernes
LE MONDE DES LIVRES 18.10.07

S'il est une idée reçue, c'est celle de l'inexorable "mort" éditoriale des sciences humaines. Un tel discours vaut peut-être pour une partie des éditeurs qui ont pignon sur rue. Mais des gens parfois très jeunes se consacrent aux grandes pensées et redonnent vie à des notions comme la critique sociale ou la résistance par la culture.
L'essai de Pascal Michon, Les Rythmes du politique. Démocratie et capitalisme mondialisé, publié par Les Prairies ordinaires, constitue l'une des meilleures illustrations de cette mutation qui a amené une génération à reprendre à nouveaux frais le flambeau de la "Théorie critique". Cette théorie avait jadis été développée par l'Ecole de Francfort pour corriger le marxisme par une réflexion plus ouverte aux sciences sociales, plus intéressée par l'interaction entre sphère culturelle et économique, plus accueillante à la dimension utopique de l'espérance révolutionnaire.
A la fois historien et philosophe, Pascal Michon part du même paradoxe qu'avaient relevé en leur temps les sociologues Luc Boltanski et Eve Chiapello dans Le Nouvel Esprit du capitalisme (Gallimard, 1999). Il pose ces questions : comment la critique des années 1970 (incarnée principalement par Gilles Deleuze, Félix Guattari ou Michel Foucault) a-t-elle pu servir à certains de leurs disciples et héritiers de support à un ralliement aux valeurs du marché ? Comment des textes "anarcho-désirants" sont-ils devenus autant de machines de guerre contre toutes les formes d'actions de groupe ? Pourquoi la notion subversive de déconstruction en est-elle venue à délégitimer toutes les formations collectives qui freinent l'expansion de l'individualisme marchand (syndicat, souveraineté, Etat) ?
Sont plus particulièrement visés, ici, non seulement des foucaldiens devenus thuriféraires du libéralisme, comme François Ewald, mais également Antonio Negri et Michael Hardt, chantres des "multitudes". Pour Michon, un tel basculement s'explique par l'inadaptation du "moment déconstructeur" des années 1960-1970 aux réalités de l'ère postindustrielle. La pensée critique avait raison de défendre la mobilité contre les rigidités d'une époque où des "blocs" homogènes de traditions et de totalitarismes restaient à abattre. C'est moins légitime dès lors que l'"adversaire" a pris la figure d'une société globalisée, où l'hyperdynamisme libéral règne en lieu et place du bon vieux "capitalisme monopolistique d'Etat".

FLUIDITÉ DE L'INDIVIDU

Toutefois, l'auteur n'en reste pas à ce constat désabusé. Il propose de refonder la pensée critique sur des bases rafraîchies. Ainsi, pas question pour lui de revenir au structuralisme figé des "modernes". Que l'individu soit devenu fluide n'implique pas qu'il soit flottant ou chaotique. En mettant en avant la notion de rythme, il montre que la poétique pourrait devenir la grille de lecture d'une politique conçue comme gestion organisée et raisonnée des flux.
Il s'agit d'être sensible aux rythmes qui permettent de comprendre comment la société et l'individu s'engendrent réciproquement d'une manière dynamique. Ainsi, pendant les vacances, on existe plutôt pour soi et sur un mode plus individualisé ; de retour au travail, l'existence est davantage envahie par le social. De même, certaines sociétés primitives, comme les Nuers du Soudan étudiés par le Britannique Evans-Pritchard, offrent-elles déjà le spectacle d'une société alternant dispersion quasi totale et forte cohésion.
C'est faute de reprendre en main la "fluidification rythmique" que nous sommes absorbés par le courant de la mondialisation capitaliste et que notre vie se réduit à celle de citoyen-consommateur, soit une vie "à très faible intensité". A l'inverse, une démocratie bien comprise se définit comme "une machine politique à produire une individuation de qualité". Loin de pouvoir se ramener à de simples rendez-vous électoraux intermittents, la démocratie consiste à faire confluer la circulation infinie des rythmiques sociales tout en respectant leur variété - au rebours du totalitarisme.
On peut ici sourire tant cette évocation rappelle par son vocabulaire les rêveries des penseurs prémarxistes du XIXe siècle. Et pourtant cette association d'idée ne relève pas du hasard. Engels n'avait-il pas appelé les Fourier, Considérant, Leroux et Cabet des "socialistes utopiques" ? A lire Michon, ceux-ci sont plus que jamais d'actualité.

LES RYTHMES DU POLITIQUE. DÉMOCRATIE ET CAPITALISME MONDIALISÉ de Pascal Michon. Ed. Les Prairies ordinaires, 320 p., 17 €.

Nicolas Weill
Article paru dans l'édition du 19.10.07

16 octobre 2007

Manifestation pour la recherche publique : 18 oct.

Je fais passer cet appel à manifestation, émanant du collectif Sauvons la recherche :

16 octobre 2007 00:11:01
À : sauvons_la_recherche@lists.apinc.org
Objet : [SLR] Manifestation pour la recherche publique jeudi 18

Appel à manifestation pour la recherche publique, le 18 octobre 2007 au siège du CNRS, 3 rue Michel-Ange à Paris, et devant les directions régionales du CNRS.
Sans réaction forte de la communauté scientifique, nous allons assister à un bouleversement de l’organisation de la recherche française, qui l’affaiblira fortement. En particulier, le CNRS disparaîtra à court terme du paysage scientifique français. Tel est le sens du message qu’Yves Langevin, président du Comité National de la Recherche Scientifique (l’organe d’évaluation et de prospective du CNRS), vient d’adresser aux directeurs d’unités à l’issue d’un conseil scientifique avorté (lire la lettre : http://www.sauvonslarecherche.fr/spip.php?article1637).
A travers le CNRS, c’est le principe même d’autonomie scientifique qui est menacé. Il serait illusoire de penser que l’affaiblissement des autres organismes de recherche se fera au profit du développement des universités: les deux types d’organisations seront perdants, au profit d’agences contrôlées par le gouvernement. Ce démantèlement ne prendra bien entendu pas la forme d’un décret officiel, mais celui d’un grignotage progressif des missions des opérateurs de recherche, déjà largement engagé, et dont les principaux éléments sont les suivants :
- Les unités de recherche (« mixtes » ou « propres »), disposant de moyens propres, sont affaiblies, au profit d’ « équipes » concurrentes financées directement (et principalement) par l’Agence Nationale de la Recherche. Ce financement se substitue aussi à celui de la recherche universitaire dont les moyens progressent moins vite que l'inflation dans le budget 2008.
- Le Comité National, émanation directe de la communauté scientifique, se voit retirer toute mission d’évaluation et de prospective au profit de la nouvelle Agence d’Evaluation de la Recherche et de l’Enseignement Supérieur (AERES), qui est sous contrôle direct du ministère.
- Les personnels des EPST qui travaillent dans des unités mixtes de recherche seront gérés, si les projets actuels se réalisent, par les universités, au moment même où la loi pour l’université votée cet été met dans les seules mains des présidents d’université et de leurs conseils d’administration des pouvoirs considérables pour affecter les crédits, nommer les personnels, répartir les services d’enseignement ou encore moduler les salaires.

La disparition du CNRS aurait un impact majeur pour l’ensemble de la recherche française, tant son imbrication dans le paysage universitaire est forte. Mais elle aurait surtout une signification politique claire : elle signifierait qu’une institution scientifique peut être remise en cause par le pouvoir politique, non pas en raison de ses dysfonctionnements, mais parce que faisant preuve d’une trop grande autonomie. Car c’est bien cela qui est aujourd’hui reproché au CNRS. Cet organisme joue un rôle majeur dans la coordination nationale de la recherche qui permet à la France, en dépit de sa taille modeste, d’exister au plan international. Ses procédures d’évaluation et de recrutement sont parmi les plus rigoureuses. Les conditions statutaires et de travail offertes par le CNRS confèrent à cet organisme une capacité exceptionnelle pour attirer vers la recherche de jeunes scientifiques de très bon niveau, comme en témoigne actuellement un taux de recrutement d’étrangers de l’ordre de 22%.
Mais pour le pouvoir actuellement en place, tout cela n’est rien au regard de l’impératif de mise au pas du monde scientifique. Ce qui est visé au travers des réformes en cours et à venir, ce n’est rien de moins que l’existence d’un espace scientifique et intellectuel autonome, protégé de l’arbitraire politique par des statuts pérennes. C’est à ce titre qu’il faut nous mobiliser : non pour défendre une institution, mais pour maintenir les conditions de l’autonomie du savoir scientifique en France, dans les universités. Aussi, Sauvons la Recherche s’associe à l’appel au rassemblement le 18 Octobre à 10h (heure où se déroulera le conseil d’administration du CNRS), au siège du CNRS et devant les Délégations Régionales du CNRS.

Vous trouverez d'autres informations sur notre site concernant la situation actuelle : Budget 2008 : http://www.sauvonslarecherche.fr/spip.php?article163
Evolution du système de recherche : http://www.sauvonslarecherche.fr/spip.php?article1638
Et toujours la pétition sur les tests ADN : http://www.sauvonslarecherche.fr/spip.php?article1625

Les règles du vers français


Les règles du vers français sont tellement simples, je serais tenté de dire tellement pauvres (car il y a là en effet une pauvreté) que je ne songe pas à dépenser un semestre à vous les enseigner. Non –seulement je en songe pas, mais je considère que 20 minutes sont suffisantes pour exposer les règles à celui qui par hasard ne les connaîtrait pas ; et

(Manuscrit de Ferdinand de Saussure, Archives de Saussure 383/14 f. 7)

15 octobre 2007

Délimiter la philosophie en explorant ses bords

C'est ainsi que Barbara Cassin expliquait la vocation de la nouvelle collection "Ouvertures" des éditions Fayard. Cette collection étant dirigée par Alain Badiou et Barbara Cassin, suite à leur départ du Seuil où ensemble ils dirigeaient la collection "L'Ordre philosophique" et la série des "Points" bilingue (cf. "Divorce philosophique", MONDE DES LIVRES daté du 5 octobre 2007).
Le premier ouvrage publié par cette nouvelle collection est un ouvrage de phénoménologie, Le Perçu de François Wahl (qui avait d'abord été refusé au Seuil, et précipité le divorce de B. Cassin et A. Badiou avec ces éditions).
Centre et périphérie, espace et limitation, ce drôle d'imaginaire de la philosophie. De l'espace mais pas de temps. Pas de théorie de l'histoire. Pas de théorie du sujet. Il est tellement étonnant de continuer à entendre dire "la philosophie" comme s'il y avait une essence de la philosophie.

Actualité critique

Une nouvelle revue en ligne s'ouvre aujourd'hui, à l'adresse http://www.laviedesidees.fr/. Dirigée par Pierre Rosanvallon (professeur au Collège de France sur une chaire d' "Histoire moderne et contemporaine du politique" donc), elle affiche en particulier deux ambitions dont la formulation me paraît intéressante à noter : faire exister un espace de "journalisme intellectuel" (et affirmer que c'est une particularité, répondant à un manque dans le paysage intellectuel et journalistique actuel - cette prétention est donc à voir, comme l'est la notion de journalisme intellectuel elle-même), et "sortir de nos oeillères nationales" françaises en ouvrant l'écoute et l'analyse aux travaux étrangers (ceux que j'ai entendu mentionnés sont américains).

Rosanvallon était l'invité des Matins de France Culture hier matin (15 octobre) : l'entretien est téléchargeable sur le site de la radio, et disponible en podcast.

A noter également - et ce sera interessant de voir comment les deux projets viennent à se positionner, initiés en même temps, mais vraisemblablement amenés à construire des plans idéologiques et des horizons scientifiques assez différents - le lancement de la Revue Internationale des Livres et des Idées, récemment inaugurée à la fois en version papier et sur Internet.

Un article du Monde diplomatique d'octobre (pp. 22-23), par André Schiffrin, actuellement directeur de The New Press à New York après avoir été pendant 30 ans directeur de Pantheon Books, et dédicataire du premier numéro de la RILI ["Ce premier numéro de La Revue internationale des livres et des idées est dédié à André Schiffrin, grand passeur international des livres et des idées. Let's keep up the good work together!", p. 3], fait par ailleurs un tableau plein de bons espoirs de la situation de l'édition intellectuelle et littéraire actuelle ; parlant d' "une influence croissante dans le monde des idées", et des " 'petits' éditeurs [qui] échappent à l'emprise des conglomérats". Les informations rassemblées sont intéressantes en particulier quand elles font connaître des initiatives inventives : la coopérative des lecteurs de Ordfront à Stockholm ; les conditions artisanales et néanmoins successful de Raisons d'agir (lancée par Bourdieu avec une première équipe de 2 personnes, depuis un local universitaire) ; la fondation indépendante qui fait la base institutionnelle de The New Press (maison d'édition à but non lucratif) ou des journaux comme The Guardian (quotidien britannique de gauche) ou le Frankfurter Allgemeine Zeitung "et la plupart des journaux danois" ; les possibilités de subventions par les états au même titre que l'aide, sans (trop d') interventionnisme, à la télévision (cas de la BBC britannique ou d'Arte). Schiffrin salue les initiatives francophones (car par exemple il faut parfois pour les productions française passer par la Belgique) récentes de Agone, Amsterdam (c'est l'éditeur de la RILI, et l'éditeur des traductions françaises, récentes, de Judith Butler, Stuart Hall et Fredric Jameson), Aden en Belgique, Les Arènes, La Fabrique, Raisons d'agir, Complexe (et maintenant André Versaille Editeur). Contre-courant, par exemple, du modèle du destin du Seuil.

13 octobre 2007

Politique de l'étranger

Vous avez certainement suivi les éclats du débat autour de la création de l'Institut d'Etudes sur l'Immigration et l'Intégration, bras intellectuel du nouveau Ministère de l'Identité Nationale et de l'Immigration", qui a été inauguré cette semaine. Ce nouveau think tank, conçu manifestement comme un outil de contrôle la production des savoirs publics sur la question de l'étranger, est maintenant pris en ligne de mire par la création d'un Observatoire de l'institutionnalisation de la xénophobie ("observ.i.x"), qui est en train de constituer ses statuts et de mettre en marche son travail d'analyse critique. L'initiative est celle de sociologues, mais l'espace de travail est ouvert aux sciences sociales plus largement, et humaines selon une certaine mesure (c'est là éventuellement un point intéressant à observer également. La liste proposée comprend : "anthropologie, démographie, économie, géographie, histoire, linguistique, psychologie, philosophie, sciences administratives et juridiques, science politique, sciences de l'information et de la communication, sciences du religieux, sciences de l'éducation, sociologie"). Le but concret est de rassembler des chercheurs (en titre ou en actes), et de produire un rapport annuel croisant les approches et les apports. C'est à suivre.

Ce n'est qu'une des manifestations de la vive réaction des chercheurs et des acteurs du débat public depuis juin dernier. Le Réseau scientifique Terra s'est également mobilisé, par exemple. Ces mobilisations ont l'intérêt de donner à jeter une lumière bien crue sur les conditions actuelles du rapport entre sciences humaines et politique : sur l'articulation entre une politique de la recherche, et une politique de l'étranger, toutes deux également destructrices, et particulièrement agressives en combinaison.

Je reproduis ici le texte qui donne l'identité de l'Observatoire :

L'observatoire de l'institutionnalisation de la xénophobie est un collectif de recherches en sciences de l'humain et de la société créé face aux amalgames gouvernementaux de l'identité nationale et de l'immigration. Il vise à favoriser l'autonomie de la production intellectuelle, des savoirs scientifiques et de leur diffusion en ce qui concerne l'érosion des perceptions humanistes de l'altérité et la stigmatisation de l'étranger comme problème, risque ou menace dans le fonctionnement ordinaire d'autorités instituées (ministérielles, administratives, judiciaires, médiatiques, scientifiques, intellectuelles, scolaires, économiques, partisanes, associatives...). Il étudie également le développement des discours et des actes de ces autorités.

12 octobre 2007

Après l'archéologie, la généalogie.

Publié deux mois avant le livre d'Alain de Libera, chez Vrin encore, un ouvrage collectif.
Pas de doute, le sujet est à la mode.
Mais le sujet, quel sujet ?


Olivier Boulnois (éd.)
Généalogie du sujet, De saint Anselme à Malebranche
Vrin, « Bibliothèque d’Histoire de la Philosophie ». 320 p., 13,5 × 21,5 cm. ISBN : 978-2-7116-1915-3
L’invention du concept de subjectivité revient à Kant. Mais celui-ci l’attribue à Descartes, coupable d’avoir pris le sujet de la pensée pour une substance. De Hegel à Heidegger, toute l’historiographie a été victime de ce tour de passe-passe. Il se trouve même des historiens pour chercher au Moyen Âge les prémices du « sujet moderne ».Cet ouvrage déconstruit une telle histoire. Partant du concept antique et médiéval de sujet – le support des accidents –, il s’efforce de suivre un complexe de questions : quel est le sujet de la pensée, l’homme, le moi ou l’âme? Est-il substance? A-t-il une certitude immédiate de soi?De saint Anselme à Malebranche, ce travail d’équipe met ainsi au jour des marqueurs, des énoncés fondamentaux qui s’entrelacent en plusieurs lignées. Il dessine ainsi un arbre des possibles, dont la certitude de soi cartésienne et le sujet kantien ne sont que des cas particuliers : au lieu d’une histoire unique, orientée vers un but, une généalogie véritablement multiple.

Ont collaboré à ce volume : J.-Ch. Bardout, F. Berland, O. Boulnois, J.-B. Brenet, J. Casteigt, S. Maxim, C. Michon, S. Piron, J. Schmutz, K. Trego et Chr. Trottmann.

10 octobre 2007

Erreurs éditoriales - Polart au Texte étranger

Je m'aperçois, en ayant en mains de volume Le Texte étranger. Travaux 2004-2006 dont je faisais l'annonce de parution récemment, de deux grosses erreurs d'édition que je tiens à signaler, en un premier temps : le texte de Chloé Laplantine, " 'je parle pour traverser vers ce que je n'entends pas' ", sur Benveniste, est entièrement absent du volume, et le texte de Mireille Bousquet, "Une oeuvre sans réponses : l'indécidable et la question du sens à partir de Beckett", est tronçonné d'un bon tiers, et donc illisible. Je leur ai exprimé ma stupéfaction et mes excuses bien plates bien entendu.
Nous sommes en train de réfléchir aux moyens de remédier à cette situation, pour remettre ces textes dans la circulation de lecture dans les meilleures conditions.

09 octobre 2007

Parution : Alain de Libera, Archéologie du sujet, 1, Naissance du Sujet

Alain de Libéra, très grand savant de l'Antiquité et du monde médiéval (Penser au Moyen Age, La querelle des universaux, La philosophie médiévale ... ), traducteur notamment de Maître Eckhart, Saint Thomas d'Aquin, Porphyre, Averroès, vient de publier un ouvrage qui devrait nous intéresser puisqu'il a pour visée d'écrire une "archéologie du sujet", en commençant dans ce premier volume par la "naissance du sujet". Néanmoins, même si Alain de Libéra est ce très grand savant (qui poursuit la tradition d'écriture d'Etienne Gilson, puis de Jean Jolivet), cette archéologie du sujet sera sans doute uniquement une archéologie du sujet de la métaphysique("Qui pense? Quel est le sujet de la pensée? Qui sommes-nous? Qu’est-ce que l’homme?" ), non pas que cette histoire ne soit pas effectivement à faire, mais le problème étant la méconnaissance du sujet, au sens de Saussure, au sens de Benveniste, l'absence de théorie du langage. Alain de Libera annonce en effet que ce premier volume sera "placé sous le double patronage de Heidegger et de Foucault". et quoique revendiquant "une archéologie du savoir" (mais dans cette absence de théorie du langage peut-il s'agir d'une histoire des idées ?), Alain de Libéra affiche encore "l'horizon", d'une "histoire de l'Etre". On est alors assez déçu de voir tant de vraies connaissances et de finesse analytique se perdre dans l'essentialisme. Peut-être pour n'avoir pas lu Benveniste.


Alain de Libera
Naissance du sujet (Archéologie du sujet I)
Vrin, « Bibliothèque d’Histoire de la Philosophie ». 448 p., 13,5 × 21,5 cm. ISBN : 978-2-7116-1927-6
Le « sujet » n’est pas une création moderne. Ce n’est pas davantage un concept psychologique. Moins encore l’invention de Descartes. C’est le produit d’une série de déplacements, de transformations et de refontes d’un réseau de notions (sujet, agent, acteur, auteur, acte, action, passion, suppôt, hypostase, individu, conscience, personne, « je », moi, Self, égoïté), de principes (attribution, imputation, appropriation) et de schèmes théoriques mis en place dans l’Antiquité tardive (Plotin, Porphyre, Augustin), élaboré au Moyen Âge (Bonaventure, Thomas d’Aquin), puis mis en crise à l’Âge classique par l’invention de la « conscience » (Locke). Une histoire de la subjectivité ne peut donc être qu’une archéologie du sujet, travaillant la « longue durée » philosophique, une histoire de la philosophie du sujet entendue comme histoire du sujet de la philosophie, une « archéologie du savoir » pensée dans l’horizon de « l’histoire de l’Être ». Placé sous le double patronage de Heidegger et de Foucault, ce premier volume expose une méthode, introduit les concepts (périchorèse, immanence psychique, intentionnalité), présente les schèmes (sujet, suppôt, hypostase, personne; attribution, action, inhérence, dénomination) et forge les outils historiques (attributivisme, subjectité) nécessaires pour construire un premier parcours philosophique et théologique dans les quatre domaines où s’articule la figure inaugurale de l’histoire de la subjectivité : Qui pense? Quel est le sujet de la pensée? Qui sommes-nous? Qu’est-ce que l’homme?
Alain de Libera, né en 1948, est directeur d’études à l’École pratique des hautes études, Section des sciences religieuses, où il enseigne l’histoire des théologies chrétiennes dans l’Occident médiéval, et professeur d’histoire de la philosophie médiévale à l’université de Genève

Francophonie

Un article du Monde sur la francophonie



Compte rendu
Les lignes de la francophonie bougent et suscitent un débat
LE MONDE | 08.10.07 | 17h46 • Mis à jour le 08.10.07 | 17h46

e théâtre francophone est-il un ghetto ou un espace qui, grâce à ses systèmes d'aide, a permis à des artistes de développer leur travail dans des conditions avantageuses ? Alors que viennent de s'achever, dimanche 7 octobre, les 24es Francophonies en Limousin, la question, latente depuis plusieurs années, ressurgit : le festival est, depuis sa création, en 1984, le lieu de tous les débats.


Et ce débat-là, orageux mais resté plus ou moins confidentiel, a d'abord pris une visibilité médiatique quand, le 16 mars 2007, une quarantaine d'auteurs ont publié dans Le Monde, à l'initiative de Michel Le Bris, un manifeste intitulé "Pour une littérature-monde en français". Il n'a été signé que par deux dramaturges, Koffi Kwahulé et Wajdi Mouawad, mais les points de vue qui s'y expriment - sur la nécessité de reconnaître les "écrivains d'outre-France", au regard de leur talent, à égalité avec les auteurs français, sur l'apport de cette "littérature-monde" à une littérature française supposée sclérosée et nombriliste et sur la "fin de la francophonie" - traversent aussi les milieux du théâtre.

Prenons d'abord les deux signataires, le Québécois d'origine libanaise Wajdi Mouawad, 39 ans, dont les pièces sont maintenant jouées un peu partout (deux doivent être bientôt mises en scène, par Stanislas Nordey et par Dominique Pitoiset), et l'Ivoirien de Paris Koffi Kwahulé, 51 ans, auteur de Jazz, Big Shoot ou Cette vieille magie noire (prochainement montée à l'Atelier du Plateau, à Paris) et membre du comité d'auteurs de la Comédie-Française.

Aucun des deux n'est dupe sur les limites d'un tel manifeste. Ce qui a primé, pour eux, c'est la nécessité de changer le regard sournoisement dévalorisant porté sur leurs productions. "Etre enfermés dans le ghetto des auteurs francophones n'est plus supportable, affirment-ils. Pendant des années, quand on allait voir les directeurs de théâtre, ils nous renvoyaient au TILF (Théâtre international de langue française, devenu le Tarmac de La Villette) ou à Limoges... Il y avait les auteurs qui écrivaient en français, et ceux qui écrivaient en francophone, qui devaient rester dans leurs petites cases."

"Ces questions, pour moi, poursuit Wajdi Mouawad, renvoient quand même à une conception politique de la langue française : une vision de la "pureté" de cette langue issue du XVIIe siècle, quand le français a été nettoyé, épuré, pour devenir la langue de la Cour. La réflexion sur le "métissage" des langues avancée par le manifeste me paraît importante, même si elle n'est pas totalement nouvelle."

Koffi Kwahulé, lui, a aussi été sensible, dans le texte émanant de Le Bris et de son festival Etonnants voyageurs, à la prise de position sur la nécessaire réconciliation entre la littérature et "le monde, le sujet, le sens, l'histoire" : "Je pense d'ailleurs que les auteurs d'"outre-France" sont naturellement sur ce terrain : parce que nous sommes issus de sociétés où l'on n'a pas encore proclamé la fin de l'Histoire."

"COMPLEXE INVERSÉ"

Pour deux autres auteurs, au contraire, ce manifeste est inutile, quand il ne recouvre pas des arrière-pensées douteuses ou condamnables. L'Algérien Arezki Mellal, 58 ans, qui vit clandestinement dans son pays, où le contenu de son roman Maintenant ils peuvent venir (adapté au théâtre par le metteur en scène français Paul Desvaux et joué aux Francophonies de Limoges) et de ses pièces de théâtre en fait une cible pour les islamistes, fustige "ces auteurs de l'exil, qui vivent dans l'imposture : tout en profitant de l'étiquette "africains" ou "algériens" très à la mode en France, ils se sont totalement coupés de la réalité de leurs pays".

Le Français d'origine béninoise José Pliya, 41 ans, qui dirige la Scène nationale de la Guadeloupe et a signé plusieurs pièces régulièrement jouées, notamment au Vieux-Colombier, la deuxième salle de la Comédie-Française, parle, lui, de "coup médiatique" et voit dans ces revendications le syndrome d'un "complexe inversé", où le désir de reconnaissance reproduit les processus de légitimation dominants.

Un sentiment partagé par Marie-Agnès Sevestre, la directrice des Francophonies, qui trouve le concept de "littérature-monde" "opportuniste" et "un peu dépassé" par rapport à celui, "beaucoup plus fécond", de "tout-monde" développé par l'écrivain martiniquais Edouard Glissant. Elle est pourtant la première à reconnaître que les lignes de la francophonie ont bougé ces dernières années.

Et c'est bien le sujet sur lequel tous semblent d'accord, signataires comme non-signataires du manifeste : la francophonie, concept issue des périodes coloniale et postcoloniale, doit évoluer. Marie-Agnès Sevestre attire cependant l'attention sur la nécessité de faire les choses en douceur : ces "bantoustans culturels", comme les appelle Koffi Kwahulé, sont aussi ce qui a permis à beaucoup de ces auteurs de continuer à écrire.

Fabienne Darge
Article paru dans l'édition du 09.10.07

08 octobre 2007

Parutions Polart - et al.

Le volume Le Texte étranger. Travaux 2004-2006 (sous la dir. de C. Joubert, collection Travaux et documents, Université Paris 8, 2007) est maintenant disponible.

Ce volume constitue la chronique des travaux menés sur la période 2004-2006 par le groupe de recherche Le Texte étranger, laboratoire théorique et pédagogique du Département d'Etudes Littéraires Anglaises de l'Université Paris 8.
Les enseignants-chercheurs et les doctorants du groupe y poursuivent l'exploration de ce qui fait de la littérature étrangère une activité du savoir -- une problématique, et une discipline d'enseignement et de recherche.
15 articles (230p.), de Woolf à Caryl Phillips et Gary Lutz, mais aussi de Maeterlinck à Pasolini et Bianciotti ; du sujet traducteur au "De-Reader". Auteurs Polart : Mireille Bousquet, Isabella Checcaglini & Etienne Dobenesque, Eléna Truuts.

Le Texte étranger : programme 2007-2008

Pour information, les activités du groupe de recherche du Département d'Etudes Littéraires Anglaises de cette année :

Le programme du Texte étranger cette année conjugue plusieurs pans de travail, et inaugure plusieurs nouveaux champs : la journée d'étude "Poétique de l'étranger" annuelle, les deux journées de doctoriales, le séminaire Diversité des langues, et le séminaire Woolf, conduit par Caroline Marie sont des activités établies qui se poursuivent ; les nouveautés sont le séminaire Transmédiations, conduit par Yves Abrioux, et le séminaire Actualité critique, conduit par Claire Joubert, et deux événements exceptionnels cet automne : la participation au Colloque "Traduction, traductions : confrontation, négociation, création", organisé par notre Equipe d'Accueil "Transferts critiques et dynamiques des savoirs (domaineanglophone)", et le colloque "Cixous sous X", organisé par Marie-Dominique Garnier.
Pour chacun de ces séminaires et journées, une présentation sera diffusée entemps utile.

Le calendrier global :
. samedi 20 octobre 2007 (10h-13h) : séminaire Actualité critique #1
. jeudi 15, vendredi 16 et samedi 17 novembre : colloque "Traduction, traductions : confrontation, négociation, création"
. vendredi 30 novembre (17h30-20h) : séminaire Diversité des langues,poétique de l'histoire. Intervenants de la séance : Pascal Michon(historien et philosophe), sur Gadamer et la diversité des langues ; YvesAbrioux, sur Benjamin avec Deleuze ; Emilienne Baneth-Nouailhetas et ClaireJoubert : introduction de la question 2007-2008 : "Quelle société de laconnaissance? Vocabulaire et institution".
. samedi 8 décembre (10h-18h) : séminaire Woolf, et séminaire Actualité critique #2
. mercredi 9 décembtre : journée d'étude "Cixous sous X"
. samedi 12 janvier 2008 (10h-18h) : première journée de doctoriales
. vendredi 25 janvier (17h30-20h) : séminaire Diversité des langues. samedi 16 février (10h-18h) : séminaire Woolf, et séminaire Actualitécritique #3
. samedi 29 mars (10h-18h) : Journée Poétique de l'étranger (V). Premiers intervenants annoncés : Vincent Broqua (de Paris 12 - sur la traduction), Emily Eells (de Paris 10 - sur le comparatisme), Jean-Louis Déotte (philosophe, Paris 8 - sur la traduction et le différend), Gérard Dessons (Littérature française, Paris 8 - sur l'étranger dans la Poétique nouvelle)
. vendredi 18 avril (17h30-20h) : séminaire Diversité des langues
. samedi 17 mai (10h-13h) : séminaire Actualité critique #4
. samedi 14 juin (10h-18h) : deuxième journée des doctoriales.
Deux séances du séminaire Transmédiations se tiendront dans le cours dusecond semestre - dates à confirmer.

Attention : les dates et les horaires annoncés ici sont des prévisions : ils sont susceptibles d'être modifiés. Pour une actualisation des dates : voir le site http://te-doctorants.blogspot.com/.
Le lieu de rendez-vous est toujours la salle B 344.

07 octobre 2007

Chers collègues,

une présentation de mon nouveau livre Les Rythmes du politique. Démocratie et capitalisme mondialisé, aura lieu dans le cadre du séminaire "L'homme et ses rythmes" de l'Université Paris-VIII à l'ENS de la rue d'Ulm, vendredi 12 octobre, à 14 h 00 (la salle n'est pas encore précisée : peut-être Simone Weil). La présentation sera suivie d'un débat.

Bien cordialement à vous,

Pascal Michon

05 octobre 2007

Le travail sur soi

A noter : un dossier Le travail sur soi, dans la Revue nouvelle, basée à Bruxelles (n° 10, octobre 2007). Formule d'identité de la revue : "Les questions de société en débat", et "un mensuel intellectuel dans le débat démocratique".
Le même numéro donne un éditorial intitulé : "Les intellectuels dans la mêlée" (voir le texte complet par ce lien).

Colloque : Les publications savantes à l'heure du numérique

annonce transmise par la liste de diffusion de la SAES (société des anglicistes de l'enseignement supérieur) :

Le COMITÉ DES TRAVAUX HISTORIQUES ET SCIENTIFIQUES
1, rue Descartes - 75005 PARIS

Colloque : Les publications des sociétés savantes à l'ère du numérique
16-17 octobre 2007 - Paris
Détail du programme dans l'annexe "Comments" associée à ce message.

Parutions Polart

Parution de deux ouvrages de membres de Polart à cet automne :

  • L'Exil et l'utopie. Politiques de Verlaine, d'Arnaud Bernadet. Collection Le XIXe siècle en représentations, ISBN 978-2-86272-460-7 / 160 x 240 / 256 p. / 18 euros. La sortie en librairie est prévue le 10 octobre 2007. Ouvrage présenté sur le site des Presses, à la rubrique "Nouveautés"
  • Pascal Michon, Les Rythmes du politique. Démocratie et capitalisme mondialisé, Paris, Les Prairies ordinaires, 2007.

Débat - et conflits éditoriaux

J'ai pensé que vous seriez curieux d'un débat actuellement en cours dans un autre lieu de travail collectif, autour de la revue Multitudes, elle-même appartenant à la galaxie qui se forme et se développe activement à cet automne autour des éditions Amsterdam.
La revue Multitude a un support papier classique - et d'ailleurs des hors-série sur l'art, sur laquelle je compte vous donner des informations dès que j'ai un moment, un site web (rénové ou encore en cours de rénovation : le travail a donc dû se frayer récemment de nouveaux modes éditoriaux, c'est intéressant à observer), mais aussi une liste de diffusion, "Multitudes-infos", qui vient d'être déstabilisée par l'établissement de nouveaux modes de publication. Plusieurs inscrits ont demandé à être retirés de la liste, etc. Débat, au sein d'un collectif de travail intellectuel, où l'art est une question critique pour la pensée du politique, et débat jusqu'aux ruptures, débat engageant jusqu'au plus concret des pensées du collectif collectifs : ce sont il me semble des ingrédients d'une situation révélatrice, petit éclairage local pour une histoire du présent intellectuel, tel qu'il est déterminé en particulier, dans un contexte de cyberculture et "société de la connaissance", par une nouvelle interrogation sur le rapport de public et de publication, sur la politique d'auteur et la propriété intellectuelle, sur l'activisme éditorial, etc.

Je joins, plié dans l'annexe "Comments" associée à ce message (cliquer sur l'heure de publication du message), un fragment de cette discussion sur les modes discursifs et éditoriaux.

Premières informations sur la liste Multitures-infos, également :
Pour envoyer un message : multitudes-infos@samizdat.net
Pour s'inscrire : <mailto:sympa@samizdat.net?subject=subscribe%20multitudes-infos>
Pour se désinscrire : <mailto:sympa@samizdat.net?subject=unsubscribe%20multitudes-infos>
Pour accéder aux archives, se mettre temporairement en "no mail", etc.:http://listes.samizdat.net/sympa/info/multitudes-infos
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Site Web de la revue multitudes : http://multitudes.samizdat.net/