29 août 2008

L' "innovation", paradigme offensif

Je transmets cette information AFP, annonçant la fonction clé de la politique du savoir du gouvernement actuel (et de la présidence européenne, qui confondent actuellement leur homme de la situation), qui vient d'être imaginée-instituée, et confiée à Claude Allègre. Annonce publiée dans les Actualités du site de Voila :


Allègre chargé par Sarkozy des Assises européennes de l'innovation
2008-08-28 20:26:07 PARIS (AFP)
© AFP

Nicolas Sarkozy, président du Conseil européen, a confié à l'ancien ministre socialiste de l'Education nationale Claude Allègre le soin d'organiser les Assises européennes de l'innovation, à l'automne, a-t-on appris jeudi auprès de l'Elysée.
Le site internet leparisien.fr avait auparavant annoncé cette mission, précisant que Claude Allègre devait prendre ses fonctions à partir du 1er septembre.
Dans une lettre datée du 23 juillet et rendue publique jeudi, le président Sarkozy écrit à M. Allègre que son "objectif" est de "faire en sorte que l'économie de la connaissance devienne (...) un moteur de développement de l'Europe".
Il charge l'ancien ministre PS de "faire des propositions concrètes pour mettre en place cette nouvelle stratégie" et "d'organiser à cet effet les Assises européennes de l'innovation à l'automne 2008".
Selon M. Sarkozy, il s'agit ainsi de "concrétiser et d'amplifier l'Agenda de Lisbonne", un programme décidé en 2000 et destiné à faire de l'Union européenne "l'économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde d'ici à 2010".
M. Allègre, qui a tenu des propos élogieux sur le chef de l'Etat, a souvent été cité comme un possible ministre d'"ouverture" de M. Sarkozy.

Notes :

. l'innovation se confirme comme ce que, du temps où les sciences humaines étaient les productrices du vocabulaire intellectuel, on appelait un paradigme - notion nécessairement liée à l'historicité des cadres conceptuels : pas de paradigme sans changement de paradigme. On assiste à la transformation des horizons du travail intellectuel, qui se marque par le déplacement du point de regard de la recherche vers l' innovation.

. parmi les nombreux enjeux qui se renégocient et se déterminent comme les horizons politico-culturels de nos "vie des peuples" (Saussure) dans ce déplacement : un déport violent de la valeur nationale, prise au champ public de la recherche, et offerte aux champs privés de, d'un côté, l'économie mondialisée des produits d'enseignement supérieur, et de l'autre, du capitalisme cognitif - avec son activité constitutive : la captation des "externalités" (A. Gorz - voir par ex. L'Immatériel. Connaissance, valeur, capital, Galilée, 2003) que sont les énergies et richesses sociales, et culturelles, et artistiques, et scientifiques.

. la responsabilité confiée à C. Allègre revient à créer une fonction (temporaire : c'est le temps du coup stratégique, contraire à la temporalité de l'institution - trope ordinaire des dépolitisations courantes) de ministère de la recherche, déportée en dehors du ministère de l'enseignement et de la recherche. Et située dans le champ, qui continue à gagner en surface de domination, de l'Union européenne comme projet néolibéral, et de la (post)-industrie du concept, en concurrence agressive avec une république (et des cultures, dans l'Europe,) des savoirs. A quoi sert l'étranger.

. que l'économie de la connaissance soit "moteur de développement de l' Europe" : il y a à entendre ici que "Europe" ne dit pas "'Union européenne" ; et que "développement" est donné comme paradigme du projet politique - et ne dit pas ce qu'a longtemps dit "construction européenne", ou pas "politique". "Déveleppoment" tend l'oreille vers "pays dévelopés / pays sous-dévelopés" (et nous emmène sur le terrain d'une implication géopolitique très large de ces décisions) ; et vers "développement durable", autre paradigme et changement de paradigme (où plus ça change plus c'est peut-être la même chose).

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