08 octobre 2008

L'Europe avec ses langues : multi, pluri, inter, etc.

Je me permets de recommander la lecture du Rapport Maalouf, rendu récemment à la Commission européenne, sous le titre Un Défi salutaire. Comment la multiplicité des langues pourrait consolider l'Europe.
Commandé dans le contexte de 2008 Année européenne du dialogue interculturel (brr...), et beaucoup évoqué au cours des débats des Etats Généraux du multilinguisme à la fin septembre, il permet d'identifier l'un des discours actuels qui peut être tenu et entendu à propos des langues dans la dynamique de la construction européenne. Ses nouveautés.
Depuis que l'Europe s'est (re)découverte et se donne à se (ré)inventer comme "société de la connaissance" la plus compétitive au monde à l'horizon de 2010 ("stratégie de Lisbonne"), un nouvel intérêt tend l'attention (éventuellement avec un oeil mauvais) des discours et débats et travaux en commissions du côté de la culture.
Le texte remis sous la présidence d'Amin Maalouf pose explicitement des jalons qui sont une position sur le rapport des langues, le rapport entre communication et culture dans le langage, sur la subjectivité et l'intersubjectivité pensables à partir de ces prises de position sur les langues, leur enseignement, et leur cultivation. Une pensée du rapport social. Les deux propositions centrales étant : que les rapports de langues sont, et sont à soutenir comme, des rapports bilatéraux (sans truchement tiers = Globish) ; et que la notion de langue personnelle adoptive, en tant que distincte de la "langue de communication internationale", peut promouvoir une autre voie dans le développement d'une identité européenne.

Je ne vais pas plus loin dans l'immédiat : j'indique seulement la légère inflexion du discours (inflexion du Vraisemblable linguistique d'époque, au sens où Barthes parle de Vraisemblable critique, à propos de la critique qui n'est pas la Nouvelle, en 1966), et relève aussi 1. la continuation des bons sentiments dès qu'on se met à parler de culture (culture = consensus), 2. la difficulté à parler, dans le champ de discours de "l'Europe", du rapport entre culture et politique. La difficulté à parler du rapport de pouvoir qui lie le sort des langues. Le concept de "choix" et de "chacun" sont des marqueurs, libéraux ("multiplicité" n'est pas "diversité" qui n'est pas "différence" des langues), dépolitisants. Le rapport n'aborde pas la question d'une politique des langues. Ni celle d'une politique publique des langues.
La "langue personnelle adoptive", ou "en quelque sorte, une seconde langue maternelle", si elle n'est en effet plus la "seconde langue étrangère" (p. 11), n'est pas encore tout à fait une langue vivante et langue de vie. Elle reste en famille. Il faut nécessairement chercher plus loin, jusqu'au politique. Jusqu'aux implications du rapport qu'on pense, et qu'on institue, entre culture et politique. Là, seulement, "la vie des peuples" (Saussure). A la fois rapports de sens et rapports de pouvoir.

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