La directrice du Département SHS du CNRS, qui avait mené les négociations, et la réflexion scientifique de fond, pour obtenir la création d'un Institut des SHS sauvegardant la place de ces disciplines dans le CNRS refondu, vient d'être limogée par la Présidente Catherine Bréchignac, le jour même de la première des réunions de concertation avec les Directeurs d'Unités des délégations Provence-Corse et Nice-Sophia Antipolis.
Sur le site de Libération, cette information plus détaillée publiée dans le blog de Sylvestre Huet, (journaliste à Libé) - je transmets :
CNRS : Catherine Bréchignac limoge la directrice des Sciences humaines et sociales
Nouvelle étape de la crise au CNRS : hier, Marie-Françoise Courel, la directrice du département SHS - sciences humaines et sociales - annonçait son limogeage par la présidente du Cnrs, Catherine Bréchignac. Annonce faite lors d'une réunion des directeurs de laboratoires de la région Provence/Corse qui devait discuter... de la création du futur Institut National des SHS, dans le cadre de la réforme du Cnrs censée entrer en vigueur le 1er janvier 2009.
Manifestement surprise, ébranlée même, Marie-Françoise Courel n'a pas donné d'explication crédible aux directeurs de laboratoires de cette décision brutale. Celle donnée par son successeur, le médiéviste Bruno Laurioux, illico nommé "directeur par intérim" - elle aurait été atteinte par la limite d'âge - ne tient pas, surtout si l'on songe que ce mandat devait de toute façon prendre fin avec la mise sur pied de l'Institut, dans quatre mois, comme convenu avec la direction du Cnrs pas plus tard qu'en... juillet dernier. Immédiatement, tous les directeurs scientifiques adjoints du département ont présenté leur démission "par solidarité"... tous sauf un... Bruno Laurioux.
Ce matin, la direction du Cnrs annonce cette nomination, ainsi que celle d'un comité de sélection, présidé par l'historien Marc Fumaroli chargé de proposer un nouveau "directeur scientifique pour les Sciences humaines et sociales". Mais il ne s'agit pas d'un simple problème de direction, manifestement le fond de cette nouvelle affaire réside dans la place future des SHS au Cnrs.
Pour Philippe Blache, directeur du laboratoire Parole et Langage (Aix-Marseille), ce limogeage pourrait préparer une issue "catastrophique pour la recherche" du débat sur l'avenir des sciences humaines et sociales au Cnrs.
Depuis que Valérie Pécresse est en charge du ministère de la recherche, la place des SHS au Cnrs fait l'objet d'un combat, ouvert ou souterrain. Le cabinet du ministère n'a pas vraiment fait mystère de ses intentions. Avec la loi LRU, et la décision de ne plus augmenter, voire de diminuer comme le budget 2009 le montrera probablement, le nombre de chercheurs des organismes de recherche, il faudrait organiser le "transfert" des SHS aux universités.
Une volonté qui s'inscrit dans une perspective du démantèlement du Cnrs comme organisme pluridisciplinaire, couvrant l'ensemble de la recherche, au profit d'Instituts spécialisés, dénués d'une direction commune effectuant des arbitrages en allocations des ressources, et organisant les actions de recherches transversales, entre les différents champs scientifiques.
Pour Philippe Blache, l'enjeu est clair: "Si le Cnrs perd son caractère pluridisciplinaire, il n'a plus de raison d'être, et on se retrouvera avec des Instituts disciplinaires cloisonnés". Une logique qui lui semble à rebours de l'évolution de la science, à l'image de son laboratoire où "des spécialistes du langage travailllent avec des informaticiens et des biologistes". Il n'a échappé à personne qu'un tel dispositif permet en outre au pouvoir politique de saper une structure qui a souvent permis un minimum d'autonomie du milieu scientifique vis à vis des gouvernements.
Après la biologie et l'informatique, les SHS sont donc ciblées. Marie-Françoise Courel avait en effet engagé une concertation avec les directeurs de laboratoires, afin d'aboutir à une proposition d'Institut National des SHS conservant le périmètre du Cnrs et améliorant son fonctionnement. L'arrêt brutal du processus montre que le gouvernement, et s'inquiète maintenant Philippe Blache, avec l'appui de la direction du Cnrs, n'entend pas négocier la future place des SHS mais imposer son point de vue. Dans ce cadre, décapiter les SHS, puisque Bruno Laurioux n'aura manifestement d'autre fonction que de signer les bons de commande, prive les scientifiques d'un représentation auprès de la direction du Cnrs et du gouvernement, et relève d'une bonne tactique. Déjà, une pétition de directeurs de labos des SHS circule pour protester contre cette décision.
02 septembre 2008
Nouvelle étape de la crise SHS
Publié par CJ à 19:02
Libellés : CNRS, politique de la recherche, SHS
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