09 octobre 2007

Parution : Alain de Libera, Archéologie du sujet, 1, Naissance du Sujet

Alain de Libéra, très grand savant de l'Antiquité et du monde médiéval (Penser au Moyen Age, La querelle des universaux, La philosophie médiévale ... ), traducteur notamment de Maître Eckhart, Saint Thomas d'Aquin, Porphyre, Averroès, vient de publier un ouvrage qui devrait nous intéresser puisqu'il a pour visée d'écrire une "archéologie du sujet", en commençant dans ce premier volume par la "naissance du sujet". Néanmoins, même si Alain de Libéra est ce très grand savant (qui poursuit la tradition d'écriture d'Etienne Gilson, puis de Jean Jolivet), cette archéologie du sujet sera sans doute uniquement une archéologie du sujet de la métaphysique("Qui pense? Quel est le sujet de la pensée? Qui sommes-nous? Qu’est-ce que l’homme?" ), non pas que cette histoire ne soit pas effectivement à faire, mais le problème étant la méconnaissance du sujet, au sens de Saussure, au sens de Benveniste, l'absence de théorie du langage. Alain de Libera annonce en effet que ce premier volume sera "placé sous le double patronage de Heidegger et de Foucault". et quoique revendiquant "une archéologie du savoir" (mais dans cette absence de théorie du langage peut-il s'agir d'une histoire des idées ?), Alain de Libéra affiche encore "l'horizon", d'une "histoire de l'Etre". On est alors assez déçu de voir tant de vraies connaissances et de finesse analytique se perdre dans l'essentialisme. Peut-être pour n'avoir pas lu Benveniste.


Alain de Libera
Naissance du sujet (Archéologie du sujet I)
Vrin, « Bibliothèque d’Histoire de la Philosophie ». 448 p., 13,5 × 21,5 cm. ISBN : 978-2-7116-1927-6
Le « sujet » n’est pas une création moderne. Ce n’est pas davantage un concept psychologique. Moins encore l’invention de Descartes. C’est le produit d’une série de déplacements, de transformations et de refontes d’un réseau de notions (sujet, agent, acteur, auteur, acte, action, passion, suppôt, hypostase, individu, conscience, personne, « je », moi, Self, égoïté), de principes (attribution, imputation, appropriation) et de schèmes théoriques mis en place dans l’Antiquité tardive (Plotin, Porphyre, Augustin), élaboré au Moyen Âge (Bonaventure, Thomas d’Aquin), puis mis en crise à l’Âge classique par l’invention de la « conscience » (Locke). Une histoire de la subjectivité ne peut donc être qu’une archéologie du sujet, travaillant la « longue durée » philosophique, une histoire de la philosophie du sujet entendue comme histoire du sujet de la philosophie, une « archéologie du savoir » pensée dans l’horizon de « l’histoire de l’Être ». Placé sous le double patronage de Heidegger et de Foucault, ce premier volume expose une méthode, introduit les concepts (périchorèse, immanence psychique, intentionnalité), présente les schèmes (sujet, suppôt, hypostase, personne; attribution, action, inhérence, dénomination) et forge les outils historiques (attributivisme, subjectité) nécessaires pour construire un premier parcours philosophique et théologique dans les quatre domaines où s’articule la figure inaugurale de l’histoire de la subjectivité : Qui pense? Quel est le sujet de la pensée? Qui sommes-nous? Qu’est-ce que l’homme?
Alain de Libera, né en 1948, est directeur d’études à l’École pratique des hautes études, Section des sciences religieuses, où il enseigne l’histoire des théologies chrétiennes dans l’Occident médiéval, et professeur d’histoire de la philosophie médiévale à l’université de Genève

4 commentaires:

PMI a dit…
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PMI a dit…

Merci Chloé, commentaire et référence très éclairants. Où l'on voit un effet du rapprochement (pourtant invraisemblable) de Foucault et de Heidegger.

Chloé Laplantine a dit…

Pas si étonnant si c'est le Foucault de la French Theorie.

Anonyme a dit…

Je ne crois pas que ce soit seulement l'absence de lecture (de Benveniste, de...) qui soit la cause d'une telle orientation chez Libera comme chez d'autres. Il s'agit bien plutôt d'une configuration éthique et politique (enseignement, recherche, édition et autres institutions et cercles) où il faudrait apercevoir des généalogies, des allégeances et des habitudes qui construisent par là-même des "oublis" de lecture, des effacements d'effacement, comme dit H. Meschonnic. Et il n'y a pas à louer l'érudition quand elle est le cache-misère d'une "science" sans théorie, sans aventure de la pensée et de l'écriture.
Ceci dit, il y a à faire une critique de Foucault...